En 2011, l’Equerre d’argent est un cadeau aux habitants
© Grand Paris et petits détours. Sibylle Vincendon
Les architectes Frédéric Druot, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont obtenu aujourd’hui l’Equerre d’argent pour leur réhabilitation d’une tour de HLM, rue Bois-le-Prêtre, dans le XVIIème arrondissement. Ce prix est le plus important en France pour un bâtiment. Il couronne là une opération exemplaire comme on voudrait en voir partout. Le travail de ces trois maîtres d’oeuvre a été une affaire d’opiniâtreté, menée sur des années, avec le souci constant de ce que l’architecture peut apporter aux gens. On n’a pas tous les jours l’occasion de raconter de belles histoires, alors, allons-y.
Posée en bordure de boulevard périphérique, la tour Bois-le-Prêtre fut dessinée par Raymond Lopez et construite en 1962. Elle a la touche de son époque: 97 logements, 50 mètres de haut. Un HLM courant dans ces années-là. Banal aussi, le bilan thermique et phonique de l’ensemble, passablement mauvais quarante ans plus tard. Comme souvent aussi, la tour avait déjà subi en 1990 une réhabilitation consistant à l’isoler par l’extérieur et à la peinturlurer en rose.
Photo: La tour Bois-le-Prêtre après transformation.
Au début des années 2000, la nouvelle municipalité parisienne établit une liste de sites prioritaires pour la politique de la ville. Ce secteur de la porte Pouchet y figure avec, entre autres, la tour Bois-le-Prêtre. On est alors en peine création de l’Agence nationale pour le renouvellement urbain, l’Anru (2003). Partout, les pouvoirs publics ne jurent que par la démolition reconstruction des tours et barres des quartiers.
A Paris, l’Opac de la ville entend utiliser la tour Bois-le-Prêtre pour faire la démonstration d’une autre démarche. En 2005, il lance un concours pour la « transformation » de la tour avec l’objectif de prouver que l’on peut modifier radicalement ce genre de bâtiment en dépensant moins d’argent qu’avec une démolition puis une construction neuve. Le trio Druot-Lacaton-Vassal l’emporte.
Ils font partie de ceux que l’obsession de la démolition choque. D’abord parce qu’il existe des grands ensembles dont la conception architecturale et la construction ont été suffisamment bonnes pour qu’ils soient pérennes. Ensuite parce que nous vivons une crise de l’offre de logement: quand une ressource est rare, est-il raisonnable de la gaspiller? C’est d’ailleurs à l’issue de quelques polémiques autour de la destruction de bâtiments notables de ces années-là que les trois architectes s’étaient vus confier, par le ministère de la Culture, une mission sur les grands ensembles. Ils en sortiront un livre, Plus, les grands ensembles territoire d’exception(éditions Gustavo Gill, 2007).
La tour Bois-le-Prêtre sera leur passage à l’acte. Avec deux ans de travaux (2009-2011), ils vont montrer que pour 100 000 euros par appartement (contre 170 000 en démolition-reconstruction), on donne plus de surface (40%), plus de silence, plus de lumière, plus d’habitabilité pour pas plus de loyer. L’immeuble comporte aujourd’hui 100 appartements (contre 97), du T1bis (grand studio) au T7. Globalement, les architectes lui ont offert 3560 mètres carrés en plus.
Comment? En greffant des jardins d’hiver devant chaque appartement. Trois mètres de large, et un jeu de panneaux coulissants pour ouvrir ou fermer selon la saison. Entre cette sorte de demi-terrasse et les pièces, de grandes baies coulissantes. Et dans le cadre de ces baies, un rail qui accueille un lourd rideau, velours vers l’intérieur et « mylar réfléchissant » côté vitre pour éviter l’effet paroi froide. Le gain thermique et sonore fait baisser de moitié les consommations d’origine.
L’autre gain, peu mesurable, est le respect des habitants. Ils n’ont pas été chassés de chez eux. Dix logements vides ont été transformés en chambres d’hôtel qui ont accueilli les gens pendant les travaux, que ce soit pour une demi-journée ou un mois. Et chacun chez soi.
La revue AMC, qui a publié à plusieurs reprises des articles sur cette opération (n° 200 et 209), soulignait, en octobre 2010, cette « jurisprudence dans la production du logement social en France. Il ne faudrait surtout pas qu’elle fasse oeuvre d’exception mais qu’elle inspire ». Après l’Equerre d’argent, quelle meilleure récompense que de faire école?
Enfin, notons que l’école Casarès-Doisneau de Vincent Parreira, que nous avions présentée dans Le vendredi, c’est archi, a obtenu une mention à l’Equerre d’argent.