Le marché immobilier va-t-il si bien ?
© Les Echos. Jean-Claude Hazera
Entendu à la 19ème conférence annuelle investissement immobilier des Echos, le 29 septembre.
En attendant le grand retour des assureurs…
La question a été posée dès l’introduction par Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Economistes : « il faut faire revenir les assureurs de manière massive vers le marché immobilier ». L’assureur est évidemment l’investisseur rêvé du moment avec quelques grands fonds (dont les fonds souverains) : grandes masses de capitaux disponibles, pas besoin de faire appel au crédit bancaire, investisseur de long terme etc… « Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir racheter un gros immeuble sans condition suspensive de crédit », a déclaré Dominique Dudan qui représentait les grands fonds allemands de Union-Investment Real Estate. Sans être absents, loin de là, on ne peut pas dire que les assureurs soient encore en train de revenir « de manière massive ». Des chiffres un peu discordants ont été évoqués. Olivier Wigniolle, président de Allianz Real Estate France a estimé à 7% la part de l’immobilier chez Allianz et chez les grands assureurs mondiaux. Nathalie Robin, directrice immobilier de Cardiff Assurance vie, a évoqué une moyenne inférieure de 3,8% qui est semble-t-il le chiffre de la FFSA (Fédération Française des Sociétés d’Assurances). Elle ne pense pas que les nouvelles contraintes réglementaires imposées aux assureurs (Solvency 2) soient susceptibles d’avoir un « impact massif ». Les assureurs sont « déçus » des pondérations affectées au risque immobilier mais leur politique tenait déjà compte des risques et ils auront toujours besoin de diversification. Quant à leur retour vers l’immobilier d’habitation à usage locatif il ne faut manifestement pas rêver. Entre le prix élevé des terrains et l’encadrement des loyers ils estiment que la rentabilité est insuffisante et l’ont fait savoir aux pouvoirs publics, a expliqué Olivier Wigniolle.
La menace d’une remontée des taux
Les taux bas des obligations à long terme constituent pour le moment « un support fondamental » de l’investissement immobilier a rappelé Laurent Boucher, vice-président de BNP Paribas Real Estate Advisory France après avoir présenté un panorama très complet de l’investissement immobilier et des prévisions. Ils maintiennent relativement bas les taux d’emprunt même si d’autres facteurs comme les nouvelles réglementations bancaires (Bâle 3) les poussent à la hausse. Ils font aussi que le placement immobilier est plus rémunérateur que les obligations pour les assureurs et les particuliers (le retour massif des particuliers vers les SCPI a été évoqué par Marc Bertrand directeur général de La Française). Cela durera-t-il ? Indépendamment de la crise des dettes souveraines en cours, Jean-Hervé Lorenzi estime qu’on va vers une inéluctable remontée des taux à long terme. L’abondante épargne disponible des pays émergents qui alimente les marchés depuis quelques années va se tarir et être investie sur place.
Grenelle accélère l’obsolescence des immeubles de bureau
Le parc de bureaux français est en train de vieillir, notamment en Ile de France, a souligné Thierry Laroue-Pont, Président de BNP Paribas Real Estate Advisory France. Il y a moins d’offre neuve et donc plus de 50% du parc date d’avant 1990. Certains en tirent des conclusions radicales. Pour Stéphane Theuriau, directeur général délégué de Altarea Cogedim, qui par ailleurs crie à la surcapacité, il faut détruire ou transformer 4 à 5 millions de mètres carrés ! D’autres ont une position plus modérée et des débats très intéressants ont été consacrés à la rénovation au cours de la 19ème conférence annuelle investissement immobilier des Echos, le 29 septembre. L’achat d’immeubles vieillissants pour les remettre dans le marché devient même une spécialité pour certains fonds.
Le Grenelle de l’environnement oblige de toutes manières à faire quelque chose. On attend encore les décrets. Mais on sait qu’il faut une annexe environnementale dite « bail vert » pour les immeubles de plus de 2 000 mètres carrés et que le verdissement des immeubles est obligatoire avant 2020 pour les bâtiments à usage tertiaire. Ces obligations « accélèrent l’obsolescence » comme l’a dit Meka Brunel, vice-présidente exécutive de SITQ ; MRICS (Caisse de dépôt du Québec) mais le fait qu’elles s’appliquent à un parc dont il fallait de toutes manières envisager la rénovation semble les rendre plus acceptables. Pas de grands cris de protestation bien que, tout le monde en convienne, il n’est pas vraiment possible de faire passer le surcoût de l’isolation et autres verdissements aux locataires. « Souvenez-vous du décret amiante ; on a cru mourir et puis on l’a fait » a déclaré Jacqueline Faisant, Présidente de BNP Paribas REIM France, résumant bien l’attitude plutôt positive de la plupart des intervenants. Plusieurs expériences concrètes ont été racontées. Dans un premier temps la profession s’était dit que la Haute qualité environnementale et autres verdeurs serait réservée à quelques constructions dont les acheteurs ou les locataires paieraient le surcoût. Maintenant l’idée qui prévaut est plutôt qu’un immeuble qui n’est pas aux normes risque de vous rester sur les bras. Vide, l’immeuble de Vélizy sur lequel BNP Paribas REIM s’est fait la main, « ne vaudrait plus rien ». En fait « beaucoup d’économies sont possibles avec pas grand chose », a souligné Mme Faisant.
Le marché va-t-il si bien ?
Les deux dirigeants de BNP Paribas Real Estate Advisory France ont présenté une vision plutôt rassurante du marché de l’immobilier de bureau en France en ouverture de la 19ème conférence annuelle investissement immobilier des Echos où beaucoup de professionnels se pressaient pour prendre le pouls du marché. Le taux de vacance reste limité à 7,6%, plus proche des niveaux londoniens que des niveaux italiens ou espagnols, deux marchés où la crise est sévère. Les scénarios noirs, évoqués par prudence, ne provoqueraient pas de décrochage catastrophique.
Dans les couloirs la propension naturelle de la profession à se rassurer entre collègues faisait sourire quelques participants. Un seul intervenant a mis les pieds dans le plat mais il l’a fait franchement. C’est Stéphane Theuriau, Directeur général délégué de Altarea Cogedim. Pour lui « les bureaux souffrent plus qu’on ne le dit ». Il n’y a pas une pénurie de bureaux neufs sur le marché mais surtout une pénurie de locataires. Celle-ci ne se voit pas trop dans les taux de vacance parce que les foncières renégocient les loyers à la baisse pour éviter des départs que leurs banques regarderaient d’un œil particulièrement sévère. Il parle d’un décrochage des loyers de 15% masqué par « un jeu de dupe entre amis ».
Il faut dire qu’il a par ailleurs des fonds propres à investir et attend manifestement que les prétentions des vendeurs de foncier baissent pour se rapprocher de ce qu’il estime être la réalité du marché.
La transformation des bureaux redevient à la mode
Une des manières de sortir du marché des immeubles de bureau difficiles à rénover comme tels c’est de les transformer en logement. Les prix relatifs de l’immobilier de logement et de l’immobilier de bureau peuvent rendre l’opération attractive. Altaréa Cogedim vient de réaliser une opération de ce type à la Défense. Stéphane Theuriau pense que c’est aussi une solution pour des biens situés dans des villes mal desservies par les transports en commun comme Clamart. Plusieurs participants ont cependant évoqué le fait que tous les immeubles de bureaux vides ou obsolètes ne sont pas transformables, loin de là. Certains sont trop mal situés. D’autre part, quand on regarde « on est souvent déçu » parce que ce n’est pas possible techniquement, a témoigné Marc Bertrand, directeur général de la Française.
Cela dit, la transformation n’est pas la seule passerelle entre le bureau et le logement. Plusieurs personnes et notamment Jean-Paul Viguier, architecte, ont évoqué la mixité autrement dit la cohabitation dans un même ensemble de logements, de bureaux, d’hôtels et autres commerces comme une perspective d’avenir.
Les exigences des bureaux d’aujourd’hui
« Comment rendre l’investisseur heureux parce que l’utilisateur est heureux ». Cette formule de Dominique Denis, membre du bureau de l’AUDE (Association des Utilisateurs de la Défense) introduisait une table ronde au cours de laquelle Jean-Paul Viguier, architecte, a également présenté quelques exemples des derniers Bureau campus à la mode, notamment celui d’IBM. Quelques remarques ont été faites sur la diminution des surfaces par salarié au bénéfice des espaces collectifs ou du télétravail (chez Atos à Bezons il y a moins de postes de travail que de salariés) et sur l’éloignement de certains de ces « campus ». Mais surtout certains participants, notamment Maryse Aulagnon, PDG de Affine, qui accorde une grande importance aux possibilités de transformation des immeubles dans l’avenir, ont souligné ce que sont devenues aujourd’hui les exigences de base des utilisateurs de tous les immeubles de bureaux en dehors de ces opérations « star » : la proximité des transports en commun « plus que jamais », la lumière du jour pour tous les occupants et des hauteurs de plafond de 2,70 m et pas de 2,50 (c’est un facteur d’obsolescence important).
Deux manières de voir le Grand Paris
Il y avait deux manières de voir le futur Grand Paris à la 19ème conférence annuelle investissement immobilier des Echos, le 29 septembre. Pour les professionnels c’est d’abord une nouvelle taxe qui renchérit le coût des opérations de bureaux, la redevance pour création de bureaux, destinée en principe à financer le Grande Paris même si son produit est détourné pour le moment. Elle peut dépasser les 300 euros par mètre carré. L’effet de cette redevance a été froidement asséné par Olivier de la Roussière, PDG de Vinci Immobilier, que personne n’a contredit : un certain nombre d’opérations de bureau en seconde couronne de Paris sont tout simplement condamnées parce que le poids de la redevance est trop important par rapport à la valeur du foncier. Plus résignés que révoltés, les professionnels présents ont entendu André Santini, maire d’Issy les Moulineaux et président du Grand Paris, développer l’autre manière de voir les choses : « on vous fait payer quelque chose dont vous allez voir le résultat concret ». Le résultat c’est bien sûr le nouveau réseau de transports en commun dont il attend de riches retombées économiques en invoquant l’exemple de Londres. Moins avare de bons mots que d’informations précises André Santini a redit qu’il n’est pas inquiet sur la possibilité de financer les 35 milliards nécessaires. « Un emprunt est prévu ; on peut le payer à 50 ans ce métro ». Conciliant, au moins dans un premier temps, le président du Grand Paris promet de recourir le moins possible aux expropriations et de laisser aux villes du parcours le soin de choisir si elles veulent ou pas gérer elles mêmes l’aménagement autour des gares.
Le futur International Trade Center de Paris
Joao Nagy, associé ITC-Roissy CDG, a présenté aux participants de la 19ème conférence annuelle investissement immobilier des Echos, le 29 septembre ce projet pharaonique qui prévoit, juste à coté du terminal 1, 320 000 mètres carrés de centre d’exposition, centre de congrès, hôtels etc… Le modèle est le centre du même type qui existe à Sao Paolo. Pour le moment ITC dit avoir le permis de construire et les terrains (qui appartenaient à la ville) et « cherche des partenaires ». En principe la construction est prévue pour 2012 et l’entrée en service pour 2015.