Métro, logements, bureaux : le pactole espéré du Grand Paris attire les entreprises
© Le Monde. Béatrice Jérôme et Isabelle Rey-Lefebvre
Les premiers tunneliers n’arriveront au mieux qu’en 2013. Mais le futur grand métro autour de la capitale, pièce maîtresse du chantier « présidentiel » du Grand Paris promis par Nicolas Sarkozy, aiguise déjà l’appétit des grands groupes de travaux publics et de l’immobilier. Preuve de ces espoirs : le Medef n’a poussé aucun haut cri contre la hausse pourtant historique des impôts sur le secteur privé d’Ile-de-France, qui vient d’être votée au Parlement.
Pour amorcer le financement de la future rocade de 160 km et l’amélioration des transports de l’Ile-de-France, les entreprises franciliennes devront verser, dès 2011, plus de 400 millions d’euros de taxes et redevances supplémentaires, au terme du collectif budgétaire voté, mardi 21 décembre au Parlement.
Sur cette manne, 97 millions d’euros devraient servir à financer l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. « Il s’agit d’une réactualisation d’impôts existants et non de taxes nouvelles », nuance Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale. Le député (UMP) du Val-de-Marne, qui s’active pour trouver les ressources nécessaires à l’amélioration du réseau existant, reconnaît toutefois que la hausse est sans précédent depuis dix ans. Elle concerne la taxe sur les bureaux, la redevance sur la création de bureaux, le « versement transport » prélevé sur les entreprises et la taxe spéciale d’équipement que payeront aussi les particuliers.
Les représentants du patronat n’ont pourtant guère protesté devant cette soudaine « ponction ». « Sur le Grand Paris, plutôt que de dire : « On est trop taxé« , on a toujours proposé des solutions au gouvernement. On est positifs étant donné les marchés et les emplois à la clé », explique Jérôme Dubus, délégué général du Medef d’Ile-de-France. « Le Grand Paris est un investissement considérable pour vous », rappelait, en juin 2009, M. Sarkozy lors du congrès de la fédération française du BTP.
C’est « un gisement d’emplois formidable », confirme Maurice Leroy, ministre de la ville, en charge du projet. Grâce au futur métro, censé accroître l’attractivité économique de la région, le Medef escompte 35 000 à 40 000 nouveaux emplois par an. Le gouvernement promet jusqu’à 60 000 nouveaux emplois, soit un doublement du rythme actuel.
André Santini, président de la Société du Grand Paris (SGP) chargé de réaliser le futur métro, évoque « un pactole pour les entreprises ». « Les banques viennent nous voir pour participer à l’emprunt qui servira à financer le métro », assure le maire (Nouveau Centre) d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
Présenté comme le chantier du siècle, le futur métro est suffisamment alléchant pour que le Medef et des sociétés d’ingénierie privées aient tenté de remettre en cause le monopole de la RATP sur la construction des transports dans l’agglomération parisienne. Leurs pressions avaient d’ailleurs suscité une colère noire de Christian Blanc, l’ancien secrétaire d’Etat à la région-capitale, qui en octobre 2009 s’en était pris au « lobbying » des « industriels et des opérateurs ».
Au printemps 2010, avant la promulgation de la loi sur le Grand Paris, le Syndicat professionnel des ingénieurs privés, Syntec-Ingénierie, avait mené une vaste offensive. Il avait saisi l’Autorité de la concurrence pour contester l’article 17 qui prévoit l’attribution des marchés de réalisation du métro « sans publicité ni mise en concurrence », privilégiant du coup la RATP. En septembre 2010, le recours des ingénieurs a été rejeté. Le Medef a réussi lui, en revanche, à introduire dans la loi la possibilité de recourir à des partenariats public privé (PPP) pour la réalisation du métro. Ce qui permettrait à Bouygues, Eiffage ou Vinci de se mettre sur les rangs.
Les entreprises sont d’autant plus intéressées par le chantier que la législation européenne autorise la mise en concurrence pour l’exploitation du futur réseau. Le Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) qui sera chargé de faire fonctionner le métro « pourrait tout à fait attribuer à un autre opérateur que la RATP les nouveaux services », écrit Gérard Marcou, professeur de droit à Paris-I, dans la revue Actualité juridique, Droit administratif d’octobre 2010.
Le Grand Paris suscite aussi l’intérêt des promoteurs immobiliers. Pour encourager l’Etat et les collectivités locales à s’engager sur des programmes de logements et de bureaux, notamment autour des gares du futur métro, la loi crée des « contrats de développement territoriaux » (CDT). L’objectif est de construire 70 000 logements par an. Soit deux fois plus que la production actuelle en Ile-de-France. Pour y parvenir, le groupe Nexity demande, comme le Medef, de rendre constructible une partie des 600 km2 de zones inondables d’Ile-de-France. M. Sarkozy l’a envisagé en présentant le projet du Grand Paris en avril 2009. Le chef de l’Etat a également promis de simplifier le droit de l’urbanisme.
Autant d’annonces bien accueillies par les professionnels de l’immobilier qui se félicitent d’avoir remporté une victoire : ils viennent d’obtenir que le Parlement supprime la taxe sur les plus-values immobilières initialement votée dans la loi sur le Grand Paris. Au motif qu’elle risquait de geler les transactions.