La métropole en débat
© Échos de métropole. Maël Meralli-Ballou _ http://echosdemetropole.caue69.fr
Suite à l’explosion d’articles, de blogs, de conférences, de forums, d’associations, de magazines sur le Grand Paris, je me sens obligé de participer au débat. Je n’oserais pas apporter une analyse technique tant le sujet est complexe, mais plutôt porter un regard sur les créations de nouvelles scènes de débat.
La consultation internationale sur l’avenir de la métropole parisienne aura au moins eu comme résultat d’enclencher une réflexion générale sur le devenir du Grand Paris. Le site du gouvernent propose comme début de l’aventure le discours présidentiel du 26 juin 2007 ce qui est un peu présomptueux vu l’histoire tumultueuse de notre capitale métropolitaine. L’histoire du Grand Paris commence bien avant à cette date.
On peut rappeler la configuration administrative de la région parisienne depuis la révolution. Elle était découpée en trois cercles concentriques, la commune de Paris au centre avec un statut juridique particulier (pas de maire, mais un préfet!), puis le département de la Seine et enfin le département de la Seine-et-Oise qui l’englobait totalement. L’évocation du Grand Paris commence dès le début du XXe siècle par le rapporteur général du budget1. Mais, les territoires administratifs sont refondés en 1964 dans la configuration actuelle: découpages des deux départements en 6 : Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne, Yvelines et Val-d’Oise. Déjà, à cette époque, c’est la volonté de donner à Paris une structure internationale qui a légitimé cette nouvelle configuration. Elle s’est accompagnée de la construction de villes nouvelles, du RER2…
Le département de la Seine-et-Oise. On retrouve la commune de Paris au centre entourée du département de la Seine.Cette transformation de la gouvernance locale mettra fin à l’organisation radiocentrique historique pour laisser place à une structuration polycentrique du pouvoir3. Pourtant l’organisation institutionnelle originelle avait l’avantage d’avoir construit une relation entre la ville-centre et ses communes périphériques. Cette évolution est à contre-pied de choix politiques métropolitains dans d’autres villes, comme la création du Grand Londres en 1963. On peut émettre l’hypothèse que la puissance politique de la capitale a fait craindre un contre-pouvoir trop important pour l’État centralisé : sa déstructuration administrative lui permettant de conserver toute son hégémonie politique.
Cette déstructuration des liens établis entre Paris et ses banlieues mettront du temps pour se reconstituer. La métropole parisienne s’est donc organisée sans véritable gouvernance depuis les cinquante dernières années. Les coopérations intercommunales, les syndicats mixtes comme « Paris Métropole » ou les initiatives comme la délégation municipale de la Ville de Paris à la coopération des collectivités territoriales participent de ce même mouvement de reconstruction des liens disparus. Ce tissage de relations est évidement indispensable pour faire émerger une politique de développement économique et des solidarités territoriales pour l’ensemble de la métropole qui souvenons-nous en, n’a une cohérence que dans sa globalité. La gouvernance métropolitaine est désormais l’apanage des élus locaux qui se sont emparés de ces questions pour mieux régler leurs problèmes. La reprise du débat par l’État, au travers du l’appel à idées et du réseau de transport, est de nouveau une manière de conserver le pouvoir sur la capitale.
La construction du logo de Paris métropole: un empilement des différentes structures administratives pour mettre à égalité le local et le global. Je trouve ce logo particulièrement intéressant car il renvoie à la forme indéfinissable du territoire métropolitain, source http://www.grapheine.com. Cliquer sur l’image pour l’agrandir.
La multiplication des formes de coopération a permis l’émergence d’un débat public sur les questions du logement, des transports… Thématiques très classiques mais abordées à une échelle différente ce qui leur donne tout leur sens. Des collectifs se montent autour d’enjeux territoriaux comme dans le cas de la ligne de RER D. Cette émergence du débat par les politiques locaux s’est accompagnée de la volonté des citoyens de se faire entendre. Des associations de la société civile se constituent comme de nouveaux acteurs pour ouvrir de nouveaux débats ou proposer des sources d’information comme l’association Grand Paris, les nombreux blogs qui se sont créés sur le sujet comme la fabrique de la métropole durable du « Grand Paris » ou encore le magazine Mégalopolis. Le principal intérêt de l’appel à idées du Grand Paris a été de présenter la métropole parisienne comme un objet politique à part entière et de le médiatiser fortement.
Cette effervescence est bénéfique sur tous les aspects, même s’il ne faut pas se voiler la face, les objectifs seront longs et difficiles à atteindre. De ces nouvelles scènes de dialogue, des liens et des rencontres se créent permettant une meilleure interconnaissance, indispensable à la constitution d’une gouvernance. Le second énorme avantage est la prise de conscience par les citoyens de cette dimension territoriale, ce qui va leur permettre de juger les prises de décision au travers de ce nouveau prisme d’analyse.
On peut se demander à quand les mêmes initiatives en province? Les enjeux ne sont pas encore de la dimension parisienne, mais le cadre de vie se construit à l’échelle métropolitaine. Ainsi, les métropoles comme Lyon ont l’opportunité de pouvoir anticiper leur développement métropolitain contrairement à Paris qui l’a en partie subi. Elles ont ainsi le pouvoir de choisir pleinement leur projet politique de développement. Si, les espaces de coopération se multiplient pour bâtir des relations entre les partenaires institutionnels, le débat public est proche de zéro et c’est bien dommage.
- Gouverner le Grand Paris : le poids de l’histoire, Par Emmanuel Bellanger, in Mouvements, le 19 novembre 2008 http://www.mouvements.info/Gouverner-le-Grand-Paris-le-poids.html ↩
- Histoire de France, 1750-1995: Société, culture, Par René Souriac,Patrick Cabanel, lien google book ↩
- Gouverner le Grand Paris : le poids de l’histoire, Par Emmanuel Bellanger, in Mouvements, le 19 novembre 2008 http://www.mouvements.info/Gouverner-le-Grand-Paris-le-poids.html ↩