« Il est nécessaire de verdir la ville »
© Libération, Benoît Martin
Yves Lion. architecte, a travaillé sur les bienfaits climatiques d’une reforestation de l’Ile-de-France :
Architecte, membre du groupe Descartes composé d’enseignants et chercheurs de l’Ecole d’architecture et du campus de Marne-la-Vallée, Yves Lion est l’un des dix chefs de file des équipes d’architectes qui ont participé à la consultation sur le Grand Paris. Ses travaux, menés avec Météo France, ont étudié de près l’effet climatique d’une reforestation de l’Ile-de-France. |
Reverdir la ville, est-ce une nécessité pour l’avenir ?
C’est une nécessité pour améliorer l’humeur des habitants… Et pour lutter contre le réchauffement climatique. Cela ferait simplement du bien. Ce n’est ni compliqué ni onéreux et rien ne s’y oppose. C’est donc, avant tout, pour le bien-être des citadins ? Oui. Par exemple, si vous augmentez la forêt de 30% en région parisienne, cela permettrait de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique. Pas celui de toute la planète, évidemment. Mais, déjà, de diminuer ce qu’on appelle « l’îlot de chaleur » qui surplombe la capitale. En 2003, pendant la période de canicule, la température de Paris intra-muros, la nuit, était plus élevée de 8 degrés que celle de la banlieue ! La forêt est actuellement sacralisée, peu ou pas exploitée, alors que le bois pourrait être utilisé pour le chauffage ou la construction. Cela n’engendrerait-il pas des conflits, avec l’agriculture par exemple ? Le paysage pourrait être largement bonifié grâce à une recomposition du territoire agricole. Il ne s’agit pas de faire de la verdure une fin en soi. Il faut mettre simplement en relation les acteurs – céréaliers, vergers, agriculteurs locaux – pour organiser le grand « deal » de la nature. Il s’agit d’apprendre à cohabiter au lieu de s’opposer. Il suffit d’exploiter et de respecter l’existant. L’aménagement du territoire se pense de manière globale. Ce n’est plus la ville d’un côté, l’agriculture ou la nature de l’autre. Il faut d’abord en parler entre tous les acteurs pour ne pas agir au détriment d’une activité. Il ne s’agit pas d’empêcher les céréaliers d’Ile-de-France de produire, d’exporter et de nourrir la planète. Mais il faut bien reconnaître que certaines zones ne sont pas propices aux cultures céréalières et pourraient être dédiées aux vergers ou à la culture légumière. Et il y a beaucoup de no man’s land à exploiter, comme aux abords des aéroports par exemple. Comment appliquer cela au cœur des villes ? A Paris, on a deux bois « héroïques » : Vincennes et Boulogne. Il faut réinventer d’autres parcs. L’étang de Grigny est, par exemple, un lieu magnifique. Il faudrait déjà mettre les parcs bout à bout en créant des liaisons vertes. La Seine, par exemple, est un lien et un gisement de vie magnifique. On a trop l’habitude de se protéger du fleuve et de ses inondations. Il faut juste travailler, s’entretenir avec la géographie. On a trop pris l’habitude de se protéger de tout. Les réglementations empêchent ici de mettre un jardin sur le toit, là de faire une extension à son pavillon. Il faut plus de vie, plus de spontanéité. On a trop la pétoche. On pourrait utiliser cette appréhension pour recomposer les villes de manière plus simple, charnelle, moins dure. Les esprits sont-ils mûrs pour cette recomposition urbaine et paysagère ? Pour parvenir à un engouement populaire, tout est affaire de conscience collective. Il faut que nous nous préoccupions tous de l’endroit où l’on se trouve. Il faut arrêter d’être méprisant avec tout ce qui ne nous concerne pas. C’est affaire de politique aussi. Il y a des évolutions positives avec le score des écologistes aux dernières élections européennes. Il y a aussi une évolution de la pensée à droite. Des villes comme Nantes, de gauche, ou Bordeaux, de droite, sont dans des rapports beaucoup moins conflictuels avec leur environnement. A Marne-la-Vallée, il n’y a ni la « Marne » ni la « Vallée ». Dommage. Actuellement, les meilleurs dimanche matin sont ceux que l’on peut passer à Bordeaux au bord de la Garonne. |