La capitale Nouvel prend forme

© Le JDD Paris, 18.03.2009, Bertrant Gréco

Jean Nouvel, architecte reconnu, a souvent oeuvré à Paris. Responsable de l’Institut du monde arabe, de la Fondation Cartier ou du musée du Quai-Branly, il a dévoilé pour le Journal du Dimanche ses propositions pour un Grand Paris moderne. Il réhabilite pour l’occasion les tours au sein de la capitale et veut exploiter les espaces périphériques, comme les Portes Dauphine et Gentilly.

Rêver le Grand Paris du futur. C’est la mission, inédite, que Nicolas Sarkozy a confiée à dix équipes internationales d’architectes-urbanistes. Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Yves Lion, Richard Rogers? tous se sont passionnés pour cette consultation. Ils ont passé leur « grand oral » jeudi, avant d’être reçus vendredi à l’Elysée. Mardi, ils participeront à un débat public au Théâtre de Chaillot. Et leurs travaux feront l’objet d’une exposition à la Cité de l’architecture, à partir du 29 avril.

Pour le JDD, Jean Nouvel lève le voile sur les détails de son projet développé avec Jean-Marie Duthilleul (l’architecte de la SNCF) et Michel Cantal-Dupart (urbaniste), qu’il tenait jalousement secret jusqu’ici. Le plus célèbre des architectes français -Institut du monde arabe, Fondation Cartier, musée du Quai-Branly?- veut « arrêter le saccage » dans la « plus belle métropole au monde ». Le lauréat 2008 du prix Pritzker propose « 9 mesures » pour le Grand Paris.

1. Matérialiser les « lisières » de la métropole. Là où la ville s’arrête, Jean Nouvel suggère d’implanter une bande de 100 m de large. Cette frontière périphérique de 1000 km permettra de stopper l’étalement urbain. Il faudra pour cela promulguer une « loi lisière » pour préserver cette ceinture qui accueillera des espaces ouverts: pelouses, aires de pique-nique, terrains de jeu, jardins, serres, maraîchage, ventes à la cueillette, pistes cyclables, sentiers de randonnée, aires cavalières?

2. Instaurer un « code d’identité » propre au Grand Paris. « En une photo, on sait qu’on est à New York, à Londres ou à Tokyo. Ce doit être la même chose pour Paris. » Un nouveau design urbain – mêmes feux tricolores suspendus, même signalétique, mêmes lampadaires, Abribus, bus, taxis, macadam, qu’on soit à Bobigny ou à Neuilly – permettrait cette identification commune. Les panneaux d’entrée de ville annonceraient « Paris-Bondy ». De plus, chaque voie devra être plantée d’arbres ou de massifs fleuris? afin d' »introduire une biomasse et lutter contre l’effet de serre ».

3. Mettre fin au « zoning » – ces zones monofonctionnelles, pavillonnaires, commerciales, « d’activité »? – et préférer la « mixité d’usage » des quartiers et des bâtiments. « Implantons des lofts dans les zones industrielles, des bureaux dans les cités », pour favoriser une « diminution des temps de transport ».

4. Désenclaver les cités et les grands ensembles, « symbole de la ghettoïsation sociale ». Il faut « éliminer les clôtures », « intervenir d’urgence sur les cages d’escalier et les espaces extérieurs ». Puis, « libérer les rez-de-chaussée » afin d’y implanter commerces et services; « libérer les trois premiers niveaux pour y installer des bureaux ». Et, surtout, arrêter les destructions des tours et des barres HLM; mieux vaut les rénover en les embellissant.

5. « Connecter » les principaux centres du Grand Paris (Roissy, Le Bourget, Saint-Denis, Gennevilliers, la Défense, Orly, Villacoublay?) grâce à un maillage de transports publics. Il s’agit d' »aller d’un quartier à l’autre sans passer par le centre de Paris ». Chaque voyage ne doit pas dépasser une demi-heure – avec deux changements maximum – et le temps d’attente, trois minutes.

6. Créer des « hauts lieux » en moyenne couronne. Des « écocités verticales », sortes de nouvelles villes, denses et peuplées, sortiraient de terre. Des « chapelets de tours » – parfois de plus de 300 mètres – entoureraient le port de Gennevilliers, le parc de la Courneuve, Vitry-Choisy-Les Ardoines ou encore l’aéroport de Villacoublay, alors désaffecté.

7. Développer des sites d’attractivité pour la recherche, les entreprises de pointe, les universités: vallées de la Bièvre et de l’Yvette à Saclay, vallée de la Seine, île Seguin, la Défense, plaine de France, Le Bourget, Roissy, Orly-Rungis.

8. Ne pas laisser le « Paris historique » s’endormir. Nouvel veut des tours au c?ur de la ville, « de nouveaux repères urbains », placés dans les perspectives des grands axes. Il envisage au moins quatre immeubles de grande hauteur: à la porte Dauphine; derrière le Père-Lachaise; entre les gares du Nord et de l’Est; entre celles de Lyon et d’Austerlitz. Et les 22 millions de m² de toits de zinc pourraient être « valorisés », avec des « jardins suspendus », des terrasses, des « penthouses » et des panneaux solaires partout où cela est possible.

9. Concevoir l’art contemporain en fonction des lieux. Les places, rues, immeubles, ponts, autoroutes, portions de périph, susceptibles d’accueillir du « land art » seront recensés. Plusieurs grands noms ont d’ores et déjà soumis des idées – parfois décapantes – à Jean Nouvel, comme Daniel Buren sur le parvis de Notre-Dame ou Frank Gehry sur la tour Montparnasse.

Reste à découvrir lesquelles de ces propositions ont un avenir.

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