L’intransigeant Christian Blanc découvre l’art de la politique
(c) Le Monde, 2009. B. J.
La carrière de cet ancien préfet est émaillée de démissions. Cette fois, il s’est converti au compromis
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C’est l’homme des missions commando. Jamais plus à l’aise que dans les costumes de préfet, de commis de l’Etat ou de grand patron à la tête d’entreprises publiques – Air France et la RATP – qu’il a contribué à relever. Réputé pour son intransigeance, Christian Blanc a découvert, à 67 ans, l’art de la politique et son cortège de concessions.
Cette fois, le secrétaire d’Etat chargé du développement de la région capitale n’a pas claqué la porte pour se faire entendre. Mais la lettre qu’il a adressée à François Fillon, mercredi 30 septembre, était pleine d’une colère mal contenue. Comme souvent quand il n’est pas suivi, Christian Blanc s’est senti trahi. Dans sa missive, il en fait grief au premier ministre. Ce n’est pas la première fois qu’il éprouve le sentiment d’être » lâché » dans des missions qu’il estime délicates. Ce fut déjà le cas, lorsque Pierre Bérégovoy, premier ministre, lui demanda en 1992 de renoncer à imposer le service minimum alors qu’il était à la tête de la RATP ou lorsque Lionel Jospin, à son tour installé à Matignon, lui fit comprendre en 1997 qu’il valait mieux attendre avant de lancer la privatisation d’Air-France qu’il dirigeait. Dans les deux cas, M. Blanc avait démissionné. » Je n’ai qu’une parole « , répète-t-il souvent. Lui qui met souvent ses interlocuteurs au défi de lui prouver leur fidélité, n’a jamais transigé. Préfet de Seine-et-Marne, il obtint que l’Etat conserve son drapeau et son commissariat de gendarmerie au milieu des terres de Marne-la-Vallée devenues propriété d’Eurosdisney. A la tête d’Air-France, il résista à Jacques Chirac qui lui demandait d’acheter des Airbus, préférant des Boeing. » On jette son béret au milieu de l’arène, on met le pied dessus, et ensuite quoi qu’il arrive on garde le pied sur le béret « , dit-il souvent, en référence à la corrida. Ce fils d’une mère basque espagnole, élu député en 2002 sous étiquette centriste après avoir été rocardien, sut aussi faire preuve de sang froid, quand il réussit à pacifier la Nouvelle-Calédonie en signant en 1988 les accords de Matignon sous le gouvernement de Michel Rocard. Une haute idée de sa mission Mais il est orgueilleux. Avoir su gagner la confiance de Nicolas Sarkozy, qui lui a dit : » Tu te débrouilles ! » sur le Grand Paris, entretient la haute idée qu’il se fait de sa mission » historique « . Il n’hésite pas à la comparer à celle du » baron Haussmann, qui a mis dix-neuf ans pour concevoir le Paris du XIXe siècle » et à celle de Paul Delouvrier, délégué général au district de la région de Paris de 1961 à 1969, qui a » mis huit ans pour remodeler celui de l’après-guerre « . Du coup, » Blanc ne rend compte qu’à Dieu le père après avoir tout décidé en chambre, en espérant que le bon peuple, admiratif, va s’esbaudir devant son projet. Ca ne marche pas comme ça ! Même du temps de Delouvrier ça ne marchait pas comme ça « , critique un élu UMP francilien. Tenir compte du point de vue des élus lui a coûté mais c’était le prix à payer pour sauver son projet. C’est sans doute la leçon qu’il tirera de cette première épreuve du feu comme ministre de la République. |