La plus-value foncière : une manne incertaine
(c) Le Monde, 2009. B. J.
ECLAIRAGE
» LA VALORISATION du foncier procurera d’importantes recettes « , indiquait Nicolas Sarkozy dans son discours sur le Grand Paris, le 29 avril. Comme Christian Blanc, le président de la République est convaincu qu’il existe une manne qui va permettre – entre autres recettes – de financer la construction du futur métro en double boucle autour de Paris. Les terrains limitrophes du tracé, surtout autour des gares, vont prendre de la valeur du fait de la nouvelle desserte. Le projet de loi sur le Grand Paris donne la possibilité à l’Etat de les préempter . Il pourra les vendre à des promoteurs et percevoir les plus-values. Selon de nombreux élus et experts, ce mécanisme est toutefois loin d’être la poule aux oeufs d’or. |
Financer la construction d’une infrastructure directement par l’aménagement urbain ne s’est jamais produit même à l’époque des villes nouvelles. Cette fois, une seule et même » société du Grand Paris » pilotée par l’Etat construira l’infrastructure et pourrait, avec l’accord des communes, préempter les terrains alentour. » En France on est très gauche sur ce sujet, explique le cabinet de M. Blanc. Dans d’autres pays en Europe, dont la Grande-Bretagne, ce mode de financement des infrastructures est très développé. »
Dans son rapport sur le financement du plan transports du Grand Paris, remis à François Fillon le 30 septembre, Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, se montre pourtant dubitatif : » Le produit à escompter dans le cas du projet de transports du Grand Paris se chiffrera en centaines de millions plus qu’en milliards d’euros. Sans être négligeables, ces montants restent modestes par rapport à l’investissement global « , écrit-il. Le député (UMP) du Val-de-Marne ajoute que » la volatilité des ressources – contexte économique – , la complexité juridico-politique des dispositions législatives nécessaires à certaines solutions, et le contexte du projet – tracé essentiellement en zone urbaine bâtie – invitent à la plus grande prudence quant à l’intégration de cette composante dans le plan de financement du projet « . La dalle de la gare Montparnasse a, certes, été financée grâce à la vente de mètres carrés de bureaux alentour. » Il y a beaucoup de cash à faire grâce à des opérations immobilières à l’intérieur des gares « , dit un haut fonctionnaire, bon connaisseur des politiques d’aménagement en Ile-de-France. Mais » croire que l’urbanisation des terrains autour des gares va payer une bonne partie des infrastructures est une vue de l’esprit. Les sites prévus pour la rocade sont déjà très urbanisés. Les actuels propriétaires vont les vendre chers à l’Etat » . » Une fausse bonne idée » Pour Gérard Lacoste, directeur général adjoint de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de l’Ile-de-France, » de plus en plus souvent, les juges de l’expropriation font des recours qui obligent les pouvoirs publics à acheter au prix du marché « . Le gain à la revente est alors modique. Pour Philippe Laurent, maire (app. UMP) de Sceaux (Hauts-de-Seine), » c’est une fausse bonne idée de faire intervenir l’Etat sur ce dispositif qui ne rapportera pas grand-chose. D’autant qu’il existe déjà les établissements fonciers départementaux ou régionaux qui peuvent préempter les terrains pour les communes. » Secrétaire national chargé des transports au PS, Bernard Soulage estime qu' » il aurait fallu acheter les terrains il y a vingt ans. Aujourd’hui, tout le monde sait où seront les gares et vendra au prix fort. » Le cabinet de M. Blanc répond qu’il existe des dispositifs anti-spéculatifs dans le code de l’urbanisme. Grâce au nouveau réseau de transport qui irriguera les sept grands pôles de développement économiques qu’il a identifiés dans la région, M. Blanc espère une croissance de 4 % du PIB régional, » deux fois plus forte que sur les dix dernières années « . L’activité va générer une demande de construction qui permettra, par ailleurs, de récolter des taxes sur la construction de bureaux qui serviront elles aussi à rembourser l’emprunt. M.Carrez table plutôt sur une croissance de 2 % du PIB grâce au plan transports. |