Apôtre de l’orthodoxie, M. Fillon piégé par les déficits
(c) Le Monde, 2009.Sophie Landrin
Pour ne pas entamer son » capital confiance « , des conseillers le poussent à quitter Matignon Il avait bâti pas à pas une image, celle d’un rigoriste, défenseur de l’orthodoxie budgétaire. Il va devoir assumer un déficit record : 141 milliards d’euros pour 2009 et 116 pour 2010 ! Alors que son bail à Matignon pourrait s’achever dans quelques mois, après les élections régionales ou peut-être avant, François Fillon doit se livrer à un exercice personnel difficile : convaincre sans se renier. |
Il y a deux ans, le 21 septembre 2007, en visite à Calvi (Haute-Corse), le premier ministre avait livré un aveu surprenant. » Je suis à la tête d’un Etat en faillite « , avait-il lâché alors qu’il s’apprêtait à présenter son premier budget. Le chef du gouvernement avait déploré la situation financière » insupportable » de la France » depuis quinze ans en déficit chronique « , incapable, selon lui, de voter » un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans « . » La France s’endette, il faut que tous les Français prennent conscience qu’il est temps de mettre un terme à des solutions de facilité employées depuis vingt-cinq ans qui placent notre pays en position de faiblesse « . » Ça ne peut plus durer « , avait conclu le chef du gouvernement, avant de prendre l’engagement de » ramener le budget de l’Etat à l’équilibre avant la fin du quinquennat « .
Depuis, jour après jour, François Fillon s’est affiché en gardien des déficits, vigie de la dette, garant » des générations futures « . Pas une intervention publique, pas un discours sans qu’il ne rappelle son antienne. Devant les élus du Nouveau Centre, réunis mardi 29 septembre pour leurs journées parlementaires, qui insistaient sur la nécessité » d’assainissement des finances publiques « , M. Fillon a encore assuré qu’il n’oubliait pas » les générations futures « . » En assumant clairement le rejet d’une politique de rigueur qui aujourd’hui nuirait à la France, je n’oublie pas nos responsabilités par rapport aux générations futures « , a-t-il assuré. » Sa situation est aujourd’hui compliquée, même si la crise est passée par là. Il doit assumer le passage de l’orthodoxe à celui qui laisse filer les déficits « , reconnaît un responsable de l’UMP. Haut dans les sondages, populaire chez les parlementaires, le premier ministre va devoir défendre au Parlement, outre son budget, des réformes difficiles : taxe professionnelle et collectivités territoriales. » Ce sont des réformes chewing-gum, qui vont s’étaler dans le temps. Le Grand Paris en 2050 ! Les collectivités en 2014 ! Ces réformes sont éloignées du quotidien des Français, mais divisent profondément la majorité. M. Fillon va se mettre les élus à dos « , analyse un membre de son cabinet. Ses conseillers à Matignon sont pessimistes : » La première année du quinquennat a été marquée par le volontarisme du gouvernement dans la réforme. La deuxième année par la maîtrise dans la crise. Cette troisième année va être très difficile. Le premier ministre ne peut que dévisser. Jusqu’à présent, il était considéré comme un rempart entre les Français et Nicolas Sarkozy. Ces derniers ont eu l’impression qu’il était un modérateur. Il était porteur du sarkozysme positif. En restant, sans faire valoir sa différence, il perdra sa légitimité. » Certains conseillers le poussent à quitter Matignon avant les élections régionales de mars 2010 pour conserver intact son » capital confiance « . » Il lui faut trouver le bon point de passage et il ne peut le faire qu’en accord avec Nicolas Sarkozy. François Fillon est légitimiste, il ne partira pas sur une rupture « , explique-t-on. Début septembre, son entourage évoquait une porte de sortie : la possibilité de succéder à José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne. Le Portugais réélu, la rumeur le donne désormais candidat potentiel à la future présidence de l’Union. » C’est une élucubration sans fondements « , a tranché le premier ministre, lundi 28 septembre, au cours d’un déplacement au Liban. » François Fillon a intérêt à rester le plus longtemps possible à Matignon, commente un responsable de l’UMP. Il lui faut faire la jonction entre Matignon et la mairie de Paris en 2014 qui le tente de plus en plus. » Cinq longues années. |