Que restera-t-il du Grand Paris ?
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C’est l’étude qui tombe à pic, enfin pas pour tout le monde… A trois semaines de l’annonce par le président de la République de son projet (ou est-ce un plan, ou une vision ?) pour le Grand Paris, le 29 avril lors de l’inauguration de l’exposition « les paris du Grand Paris » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, les chiffres publiés par le cabinet Ernst &Young dans son étude annuelle sur les métropoles européennes pousseraient à féliciter l’Ile-de-France plutôt qu’à la coiffer d’un bonnet d’âne. Première devant quinze autres capitales européennes en termes de création d’emplois, seconde, derrière le Grand Londres, en nombre d’entreprises sur son territoire, placée parmi les cinq régions les plus attractives pour les entreprises étrangères… Rien du mauvais élève censé être repris en main par Christian Blanc, comme promet de le faire le secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région Capitale dès qu’il prend la parole en accusant, notamment, le schéma directeur d’Ile-de-France de manquer d’ambitions économiques.
Décidément, encore une coïncidence de dates dans cette affaire qui n’en manque pas. Ou bien le calendrier convergerait-il naturellement? Au cours du premier trimestre 2009, auront sinon abouti, au moins franchi une étape cruciale, toutes les initiatives lancées autour du fait métropolitain. Certaines, après des années de gestation, d’autres, étonnamment avec quelques mois d’avance. Christian Blanc a lâché quelques « amuse-gueules » à propos de son projet de transport, comme pour mieux entretenir le suspens. Le syndicat Paris-Métropole existe enfin et cherche le Graal d’une nouvelle gouvernance sur un territoire qui varie au gré de ses adhésions. La Région s’arcboute sur un projet de schéma directeur qui ne passera pas la porte du conseil d’Etat sans des modifications notables. Enfin la commission Balladur a rendu ses conclusions, mais celles qui concernaient la Région parisienne ont été reportées sine die. Le besoin d’une réflexion nouvelle semble faire l’unanimité au sein de troupes ennemies, dispersées et désorientées.
La consultation « Grand Paris » oublie les « Grands Parisiens »
Le Grand Paris ? Que répondre à cette question multiple car jamais posée d’une seule voix ? Dix grandes équipes d’architectes, d’urbanistes, d’économistes, de sociologues, de paysagistes ont été consultées sur le «Pari du Grand Paris et la métropole parisienne post-Kyoto». Leurs dossiers alignent des concepts, des propositions cartographiées d’aménagement du territoire, de nouvelles formes urbaines, des réseaux de transport… Des projets à long terme qui oublient que chaque jour des millions de « Grands Parisiens » se tassent dans le RER, débordent de la ligne 13 sans forcément anticiper le confort silencieux, sûr et climatisé de la rame souterraine qui cernera l’Ile-de-France dans 30 ans, si les crédits sont suffisants pour la financer. Manquait peut-être aux hordes de chercheurs, au travail pendant neuf mois, un institut de sondage sérieux capable de faire « remonter de la base » une information moins chiffrée et davantage vécue, des désirs et des rêves.
A en croire les revues de presse internationales, le monde a les yeux braqués sur l’événement «Grand Paris» et sa quête de sens voire d’existence, dont les lauriers reviennent pour l’instant au président de la République. Les stars de l’architecture, Pritzker Price ou autres, ne sont pas les moins promptes à les alimenter, quitte à simplifier le jeu complexe des acteurs. Les échos proches ou lointains de ces grands brassages d’idées font fleurir en ce printemps colloques, conférences, débats… tout le monde s’en mêle. Qui se souvient que la ville de Paris a donné le top départ de cette démarche il y a huit ans ? Qui se souvient que des réflexions sur le sujet n’ont jamais cessé depuis l’explosion du département de la Seine en 1964 ?
Y a-t-il finalement derrière cette grande consultation médiatisée par les images de monuments ou de tours, autre chose qu’un «coup» à quelques millions d’euros afin de braquer les projecteurs sur la capitale, la France et son Président, aussi puissamment que si Paris avait organisé les Jeux Olympiques – les problèmes de délais et de réalisation en moins ? En 2012, les Anglais passeront l’épreuve du feu. Les querelles du Grand Paris seront déjà bien loin.
Un boulevard de possibles pourrait s’ouvrir devant les dix équipes, au soir du 29 avril 2009. Les moins cyniques voient encore leur travail, en parallèle et en commun, comme la première pierre d’une «école» du Grand Paris d’où émergerait un vrai projet. Les plus réalistes se sont sans doute déjà préparés à quelques compromis et à tordre, le cas échéant, certaines de leurs idées pour les faire rentrer dans des projets conçus par d’autres.
Catherine Sabbah