Grand Paris : Nicolas Sarkozy donne de premières indications

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Une taxe sur la plus-value foncière pourrait frapper les projets immobiliers autour des futurs axes de transport et des gares. Cependant, alors que le président de la République a adopté un ton plutôt consensuel vis-à-vis des élus, et qu’il s’est écarté en partie de la « vision » de Christian Blanc, le maire de Paris pointe les écarts entre l’ambition affichée par Nicolas Sarkozy mercredi 29 avril lors de l’annonce de son Plan pour l’Ile-de-France, et la réalité des engagements de l’Etat dans cette même région. Paris se plaint de façon récurrente du déficit de financement de l’Etat, notamment dans l’application du contrat de projet co-signé par les pouvoirs publics. Principales pierres d’achoppement : les transports, l’université et le logement.

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a présenté sa synthèse de l’exercice réalisé par dix équipes pluridisciplinaires d’urbanistes en inaugurant l’exposition « les paris du Grand Paris » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris. Il a repris des éléments de chacune des propositions, sans toutefois citer aucun nom. A ce jeu, l’auditoire aura noté que le président a commencé en évoquant les propositions de l’équipe d’Antoine Grumbach, mais n’en a repris aucune dans la réponse d’AUC-Djamel Klouche.

Engager rapidement les chantiers, tel est le maître mot du discours du président de la République, Nicolas Sarkozy, inaugurant la série de 10 « tipis » qui présentent, dans la galerie des moulages de la Cité du Patrimoine et de l’Architecture, les dix réponses à la consultation « Les paris du Grand Paris ». Et, de fait les architectes chefs de ces équipes confirment que les commandes arrivent déjà pour passer dans le concret cet exercice conceptuel. Il faut étudier la liaison TGV le Havre-Londres, dont la gare parisienne serait à La Défense plutôt qu’à Saint-Denis Pleyel, car les lignes de l’ouest y arrivent, ainsi que le faisceau qui dessert le port d’Achères, futur point-relais fluvial sur la Seine au confluent de l’Oise vers le futur canal à grand gabarit qui mènera à l’Escaut – le développement du port d’Achères est mis à l’étude au cabinet de Christian Blanc avec l’équipe d’Antoine Grumbach. Après Achères, le TGV pourrait desservir Cergy-Pontoise, puis filer vers le tunnel sous la Manche.

schema_transports3C’est sur la question des transports qu’il a été le plus précis. Il a en quelque sorte « lancé » le chantier du projet de rocade ferrée qu’avait déjà évoquée Christian Blanc. Cependant, le président estime qu’elle pourra être aérienne par endroits, et non entièrement souterraine comme avancé par le Secrétaire d’Etat au développement économique de la région capitale. Le président a également repris à son compte les projets déjà engagés par le conseil régional : prolongement de lignes de métro – notamment vers le quartier d’affaires de La Défense -, modernisation de lignes de RER… considérant que le transport est un élément-clé du développement économique des métropoles.

Un projet de loi « en octobre » devrait permettre de concrétiser au plus vite certaines orientations.

Cependant restent en suspens nombre de questions : le discours très ouvert aux élus, affirme en parallèle une volonté de déréglementer pour aller plus vite, imposer ici un tracé, forcer là une sur-densité. Quelle sera en conséquence l’attitude de l’Etat vis-à-vis du Schéma directeur échafaudé par le conseil régional ? « Il faut qu’on s’entende », a avancé le président recevant Jean-Paul Huchon la semaine dernière. Cela suppose-t-il des modifications ? sur quels points ? Et, par ailleurs, la volonté de temporiser sur les questions institutionnelles de gouvernance – dans la ligne des décisions prises après le rapport de la commission Balladur – se traduira-t-elle par un refus du préfet de région de valider la création du syndicat « d’études » Paris Métropole ?

Une déclaration de Bertrand Delanoë

Dès la fin du discours présidentiel, le maire de Paris, Bertrand Delanoë faisait connaître sa position dans une déclaration très préparée :

« Inaugurant l’exposition « Le Grand Pari(s) de l’agglomération parisienne », que co-finance la Ville de Paris, le Président de la République a formulé un certain nombre de propositions qui manifestent la volonté de l’Etat de mettre un terme à son désengagement, observé depuis plusieurs années, sur les grands dossiers  structurants de notre Métropole.

« L’enjeu métropolitain implique incontestablement une mobilisation cohérente de tous les acteurs concernés, dont Paris, la Région Ile-de-France, les communes, les conseils généraux, ou les inter-communalités : c’est dans cet esprit que nous avons lancé, dès 2006, une initiative inédite associant tous les élus de l’agglomération, par-delà les clivages politiques. Ce mouvement collectif a permis la création de Paris Métropole, fondée sur une démarche ambitieuse et résolument pragmatique. Aucun résultat constructif et durable ne peut en effet s’envisager à une telle échelle sans s’appuyer sur un véritable esprit de partenariat ni reconnaître pleinement les dynamiques déjà engagées.

« En matière de transports, j’observe que le Président de la République a repris le contenu du plan de mobilisation d’ores-et-déjà élaboré et financé, dans le cadre du STIF, par la Région, Paris et les départements d’Ile-de-France. Il n’a cependant pas précisé l’investissement que l’Etat compte y consacrer, au-delà du « contrat de projet » défini il y a trois ans.

« D’un montant de plus de 18 milliards d’euros, le plan de mobilisation implique, pour se mettre en oeuvre, que l’Etat libère ses financements attendus depuis deux ans, sur des projets aussi emblématiques que la modernisation des lignes de RER, la désaturation de la ligne 13, le prolongement d’Eole ou la construction de nouvelles lignes de tramways à forte capacité. Ce plan doit désormais être mis en place sans délai sous l’autorité du STIF. Sur tous ces points, je souhaite donc que les annonces faites aujourd’hui en termes d’investissement, se concrétisent rapidement car l’urgence commande de poser des actes maintenant.

« Sur le plus long terme, la réalisation annoncée d’un métro automatique en rocade s’apparente évidemment au projet Arc Express dont le principe avait été proposé en novembre 2006, au sein de la Conférence métropolitaine. Si l’engagement de l’Etat sera évidemment le bienvenue pour favoriser  l’aboutissement de ce projet, sa réalisation appelle un travail approfondi avec les collectivités impliquées pour en préciser rapidement le tracé, les modalités et le rythme des financements, la concertation avec les citoyens, le dispositif juridique et surtout la mise en oeuvre précise qui ne doit pas, à ce stade, privilégier une option unique en sous-sol : les architectes ont d’ailleurs bien mis en exergue la pertinence de solutions de surface.

« De même, le Chef de l’Etat a mentionné le défi de l’innovation, de la recherche et de l’université, pour notre agglomération : cet enjeu stratégique qui a conduit la Ville de Paris à une action très volontariste dès 2001 (400 millions investis pour les universités sur le précédent mandat, engagement d’un milliard d’euros sur l’actuelle mandature en faveur de l’innovation, de la recherche et de l’université) pour soutenir les universités parisiennes implique de développer des instruments nouveaux et d’investir massivement sur plusieurs sites stratégiques de petite et grande couronne.

« Là encore, si les réponses de l’Etat se sont avérées timides jusqu’à présent – les universités parisiennes attendent toujours l’aboutissement du « Plan Campus » – notre collectivité reste plus que jamais disponible pour élaborer avec l’Etat et la Région une vraie stratégie de développement des universités et de la recherche à l’échelle métropolitaine. Bien entendu, ce mouvement ne peut se résumer à « déplacer » un centre de recherche ou une université du coeur de l’agglomération vers sa périphérie : il faut bien sûr penser à l’échelle métropolitaine, par un renforcement des liens économiques, universitaires, et de recherche entre Paris et le reste de l’agglomération.

« La remarque s’applique également à l’enjeu décisif du logement, qui exige un effort qualitatif et quantitatif sans précédent. Face à la crise dramatique actuelle, seule une dimension totalement inédite dans l’offre de logements sociaux de qualité permettra de favoriser l’accès de tous à ce droit essentiel.
C’est pourquoi, après avoir financé 30 000 logements sociaux sous la précédente mandature, la collectivité parisienne en a programmé 40 000 d’ici 2014 sans garantie, à ce jour, que l’Etat apportera sa part de financement. La cohérence implique donc que l’Etat s’engage réellement et qu’il veille à une juste répartition de l’habitat sur l’ensemble de notre territoire. Il aurait donc été particulièrement opportun que le Président de la République mette l’accent sur le logement social en tant que tel, « clé » décisive à toute ambition de mixité sociale et d’ambition environnementale sur notre territoire.

« Toutes ces politiques doivent s’inscrire dans une vision clarifiée de la gouvernance de la métropole. En juin 2007, le Chef de l’Etat, abordant pour la première fois, la question de la métropole parisienne, avait d’ailleurs placé la question institutionnelle au coeur de son propos. Il a choisi de ne pas l’approfondir aujourd’hui, ce qui confirme la difficulté de traiter de ce sujet par des solutions institutionnelles venues d’en haut. C’est à l’inverse toute la force de Paris Métropole qui propose, à partir des élus locaux, une démarche concrète, flexible, partant de la vie des Franciliens, en privilégiant un traitement de chaque dossier, à
l’échelle du territoire pertinent. Cette approche moderne fait écho à l’analyse des architectes, selon lesquels, loin de tout « dessein haussmannien », il convient plutôt d’exploiter les atouts existants et de mettre en cohérence les forces de notre espace commun. Rassemblant déjà plus de 80 collectivités, par delà les clivages politiques, Paris Métropole constitue donc à la fois un cadre et un instrument à partir desquels doit se concevoir l’avenir de notre territoire.

« Ce constat va de pair avec la nécessité d’une vraie solidarité financière entre les collectivités de notre métropole. Si le Chef de l’Etat ne l’a pas du tout évoquée aujourd’hui, cette priorité constitue néanmoins l’un des enjeux clés pour lutter de manière crédible contre les inégalités qui pèsent aujourd’hui fortement sur les habitants de nos territoires. La faiblesse avérée des outils de redistribution existants implique une nouvelle donne indispensable.

« Il convient désormais d’inventer un partenariat moderne associant l’Etat, la Région, la Ville de Paris mais aussi, j’y insiste, toutes les collectivités métropolitaines. Nous sommes prêts à y prendre toute notre part dans un esprit constructif et exigeant, dans le cadre de Paris Métropole, qui a vocation à constituer le lieu d’approfondissement opérationnel des projets à mettre en oeuvre.

« L’avenir de la métropole parisienne a besoin d’intentions positives, d’énergie partagée, de loyauté, mais aussi et surtout d’actes concrets. Nos concitoyens exigent aujourd’hui un vrai engagement des pouvoirs publics, des moyens et une efficacité reposant sur le sens de l’action collective. »

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