Les transports en solo de Christian Blanc
Libération © Sibylle Vincendon
Grand Paris . Le schéma du secrétaire d’Etat pour la banlieue ne tient pas compte de projets préexistants.
Le plan de transports de Christian Blanc pour le Grand Paris se dessine secrètement. « Dans un bunker », dit-on perfidement à la région Ile-de-France. De fait, ni la région – le plus gros financeur des transports – ni la Ville de Paris – le plus gros contributeur au Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) – n’ont été saisis par le secrétaire d’Etat à la Région capitale pour élaborer l’espèce d’escargot dont Libération a pu se procurer une carte. Ce schéma, s’il est entériné, créera une sérieuse pagaille. Il ne correspond à pratiquement aucun des projets destinés à remettre à niveau le réseau ultra-fatigué de l’Ile-de-France. Il n’intègre ni la rocade de métro automatique Arc Express, imaginée à l’origine par la RATP, et dont les études sont en cours au Stif, cofinancées par l’Etat. Ni les projets de rocade ferrée de moyenne couronne, pensés par la SNCF, et dont deux tangentielles, nord et ouest, sont déjà lancées. Le plan efface la liaison Charles-de-Gaulle Express en cours de négociation entre l’Etat et le groupe Vinci. Ainsi que le prolongement de la ligne Eole vers la Défense, dont le schéma de principe a été arrêté.
Colère. Bref, du passé, le secrétaire d’Etat à la Région capitale fait table rase et cela pose quelques problèmes au sein du gouvernement. Déjà discuté en réunions interministérielles, ce plan devrait être arbitré prochainement. Le sujet est houleux car Jean-Louis Borloo, ministre de tutelle de Blanc, discute de son côté avec la région Ile-de-France présidée par le socialiste Jean-Paul Huchon. Mais pas sur lesidées de Christian Blanc : les échanges portent sur le plan de mobilisation de 18 milliards d’euros décidé cet été après une colère présidentielle sur les pannes du RER A. « En sortant de chez Borloo, raconte-t-on au Conseil régional, on nous a dit : Blanc fait son truc dans son coin, ne vous inquiétez pas… »
Le plan de mobilisation est surtout un rattrapage des urgences et la réparation de l’existant. Il acte en particulier le besoin de liaisons dites « lourdes » (type métro ou RER) de banlieue à banlieue. Ces déplacements ne cessent de croître, en particulier dans la petite et moyenne couronne, et aucun transport n’y répond. Tant la RATP que la SNCF ont proposé leurs solutions et le Stif étudie actuellement les deux premiers tronçons d’Arc Express, métro souterrain assez proche du projet RATP. La régie défend le bénéfice social de cette solution qui dessert des zones proches de Paris et denses en population. La SNCF, de son côté, souligne le moindre coût de sa rocade de train, plus éloignée de la capitale mais qui réutilise beaucoup de voies ferrées existantes.
« Cabotage politique ». L’escargot de Christian Blanc ne présente aucune de ces deux qualités. Il ne passe pas forcément là où sont les gens. La liaison Roissy-La Défense semble évidente, mais celle qui rejoint La Défense à la banlieue résidentielle de Marly-le-Roi est plus curieuse. « Il fait du cabotage politique, commente un expert. Il passe à Rueil chez Ollier [président UMP de la commission des affaires économiques, ndlr], à Boulogne chez Baguet [député UMP], à Chelles chez Planchou [président du groupe socialiste au conseil régional]… » L’escargot est en outre onéreux. Christian Blanc a toujours évoqué un métro souterrain et automatisé, solution chère pour des zones peu peuplées.
Les opérateurs de transports sont-ils affectés de voir tous leurs projets remis ainsi en cause ? A la SNCF, Jean-Pierre Farandou, directeur général, estime que Christian Blanc « a une logique de pôles à développer. Après, il les relie. » Le président de la société, Guillaume Pépy, renchérit : « Ses schémas portent sur les infrastructures dans vingt ans. Si quelqu’un avait eu cette réflexion il y a quinze ans, nous n’en serions peut-être pas là. » Politesses ? Pas forcément. « Beaucoup de gens pensent que Blanc travaille pour le grand avenir », commente un expert. La commande présidentielle initiale semblait porter plutôt sur la nécessité de faire au plus vite du Grand Paris une machine à croissance. Mais la croissance, aujourd’hui…
Sibylle Vincendon