Quand Saclay rime avec Silicon Valley
© Le Point, 2008
A cheval sur l’Essonne et les Yvelines, le plateau de Saclay se trouve sous les feux des projecteurs et… au coeur des priorités présidentielles. Une « Silicon Valley à la française » qui attise les convoitises.
A Saclay, il y a le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et ses quelque 5 000 chercheurs, des centres de recherche, des entreprises et des établissements universitaires prestigieux, qui accueillent 25 000 étudiants. Tous ne sont pas placés sous la même tutelle. C’est ainsi que Paris-XI dépend du ministère de l’Enseignement supérieur, Polytechnique de la Défense, tandis que Supélec relève du privé. Ministres et élus locaux sont conscients qu’il y a là un réel manque de cohérence.
Dernier en date à s’intéresser à ce dossier que tout le monde rêve de voir transformé en « Silicon Valley à la française » compte tenu des activités de pointe et du potentiel existants : Christian Blanc, secrétaire d’Etat au Développement de la région capitale. Nommé à ce poste le 18 mars 2008 par le président de la République, il s’est vu confier « la responsabilité de définir une vision pour la région capitale à l’horizon de 2030 », afin – XXIe siècle oblige – de « permettre à la France de tenir son rang dans la compétition des territoires ». Sa lettre de mission était claire : c’est à lui qu’il revenait de faire de « la capitale une « ville-monde » » et de « restaurer une ambition d’urbanisme cohérent à l’échelle de l’agglomération » .En huit mois, le secrétaire d’Etat a multiplié les contacts et les déjeuners, après une prise de fonctions remarquée. Il avait participé à un déjeuner au champagne organisé, en grande pompe, dans le restaurant de l’ancien cabaret parisien L’Alcazar par Roger Karoutchi, président du groupe UMP au conseil régional d’Ile-de-France.
La tâche se révèle d’autant plus rude que Christian Blanc n’est pas seul à oeuvrer sur le terrain. On le dit même en butte à la résistance passive d’élus locaux et de certains ministres. Notamment de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, qui pourtant l’héberge en son ministère, et de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Tous deux seraient en revanche dans les meilleures dispositions vis-à-vis de Jean-Paul Huchon, président socialiste de la région Ile-de-France.
Cluster scientifique
Christian Blanc ne se décourage pas pour autant. Lui, qui avait solennellement annoncé le 13 mai le lancement « vers la fin de l’année de deux projets structurants » pour la région, a, au vu de sa « feuille de route » initiale, quelque peu revu ses ambitions. Dans un premier temps en tout cas. Il n’en mentionne désormais plus qu’un : Saclay. L’aménagement de la plaine de France au nord-est et la création d’une voie express pour relier l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle au centre de Paris paraissent reportés à des jours meilleurs. L’Elysée confirme l’option. Le 6 novembre, dans un communiqué, Nicolas Sarkozy indiquait que le secrétaire d’Etat a présenté « le projet d’aménagement du plateau de Saclay et l’organisation retenue pour le piloter ». Objectif fixé : développer un « grand cluster [autrement dit un groupe ] scientifique de rang mondial » et « l’activité économique et industrielle issues des laboratoires exceptionnels rassemblés sur ce territoire ». Un projet de loi devrait voir le jour en janvier afin de favoriser la mise en oeuvre de ce chantier. Un « établissement public à la gouvernance spécifique », intégrant l’Etat, les collectivités territoriales, le monde scientifique et le monde économique sera également créé, une manière de « coiffer » la région, qui a ses propres projets.
Deux visions s’opposent, en particulier sur les transports. Christian Blanc envisagerait la création d’un métro qui passerait sous les étangs de Saclay. Jean-Paul Huchon, lui, préconise le développement de transports en site propre-lignes de bus ou de tramway sur voie réservée. A la région, on souligne que cette solution serait « vingt fois moins chère », le coût estimé du métro souterrain se chiffrant à 80 millions d’euros le kilomètre.