Le Grand Paris divise
Bertrand Greco. © Le Journal du Dimanche tout droit réservés
En relançant sans prévenir l’idée d’un « Grand Paris », Nicolas Sarkozy a jeté un pavé dans la mare locale. A droite comme à gauche, le sujet divise: Bertrand Delanoë souhaite porter cette initiative, sans être parasité par l’Etat, alors que Jean-Paul Huchon s’y oppose fermement. Vendredi, lors de la Conférence métropolitaine, le principe comme les moyens d’y réfléchir ont été débattus.
Nicolas Sarkozy a semé le trouble chez les élus franciliens. En relançant l’idée d’un « Grand Paris » la semaine dernière, il leur a imposé ce sujet qui ne date pourtant pas d’hier. Et les avis divergent ! A droite, il y a ceux qui approuvent sans réserve le président de la République dans sa volonté de créer une intercommunalité englobant la capitale et sa proche banlieue, et ceux qui y sont hostiles mais… n’osent pas le dire. A gauche, il y a ceux qui ne veulent pas en entendre parler, et ceux qui sont pour mais… ne veulent pas envoyer un message positif à Sarkozy. Compliqué.
Vendredi, la 4e édition de la Conférence métropolitaine a réuni une cinquantaine d’élus de la petite couronne, à Cachan (94), autour de Bertrand Delanoë (l’initiateur de cette instance informelle) et Jean-Paul Huchon (qui la subit). Seuls trois maires de droite – Vanves, Vincennes et Sceaux – étaient présents. Les participants devaient débattre du logement, un thème crucial dans la région avec celui des transports. Ils n’ont pu échapper à la question du « Grand Paris », désormais incontournable.
Le président socialiste du conseil régional est opposé à la création d’une communauté urbaine parisienne, qui le reléguerait en grande couronne. « L’agglomération, c’est la région », dit-il. Le maire PS de Paris, lui, se veut davantage « disponible pour participer à une telle réflexion ». Mais il affirme que la région « doit être un des acteurs importants de l’élaboration de l’avenir de l’agglomération parisienne ». Surtout, l’Etat ne doit pas être « brutal, voire condescendant vis-à-vis des élus ». Le député-maire de Cachan, Jean-Yves Le Bouillonnec (PS), qui présidait la réunion de vendredi, ne dit pas autre chose : « Ce sont les élus locaux qui portent la responsabilité de la cohérence de l’action publique. »
Un référendum francilien comme pour la Corse ?
La Conférence métropolitaine peut-elle constituer un premier pas vers le « Grand Paris » ? Ou un outil de travail ? Beaucoup, à gauche, en sont persuadés. « Ce n’est pas un lieu où l’on ne ferait que parler, précise Pierre Mansat, adjoint (PCF) de Delanoë, chargé des relations avec la banlieue. C’est là qu’a été acté le métro en rocade autour de Paris. Ce lieu est pertinent, pluraliste et il a le mérite d’exister. Même si les points de vue qui s’y expriment sont différents. »
A l’inverse, le maire Nouveau Centre de Vanves, Bernard Gauducheau, estime que « la Conférence métropolitaine ne peut en aucun cas préfigurer le ‘Grand Paris' ». Regrettant une « fossilisation des institutions » existantes, il considère que « le président de la République peut être un animateur, sans imposer sa vision, en associant les partenaires concernés ». Le son de cloche est différent chez Jacques Gautier, sénateur-maire UMP de Garches et président de l’association des maires des Hauts-de-Seine (absent vendredi), pour qui « la réflexion peut très bien être menée au sein de la Conférence métropolitaine »…
De son côté, le maire de Clichy, Gilles Catoire (PS), plaide pour l’organisation d’un référendum francilien, comme pour la Corse ou les collectivités territoriales d’outre-mer: « La plus grande erreur du général de Gaulle a été de supprimer le département de la Seine et de couper ainsi Paris de sa banlieue. Aujourd’hui, il faut une loi pour créer une intercommunalité spécifique. Mais l’Etat ne peut pas tout décider d’en haut et descendre comme le Saint-Esprit. » Le plus difficile sera de convaincre l’exécutif régional. « On n’a pas besoin de nouveaux mécanismes institutionnels », juge Jean-Luc Laurent (MRC), maire du Kremlin-Bicêtre et vice-président du conseil régional. Alors que son homologue à la région, Mireille Ferri, met en garde contre une « forme de gouvernance unique » et « un risque de décrochage entre le coeur d’agglomération et le reste de l’Ile-de-France ». Le Grand Paris divise, mais ne laisse personne indifférent.