Rapport sur les perspectives d’évolutions institutionnelles du Grand Paris par Philippe Dallier
Rapport d’information de M. Philippe Dallier, Sénateur de Seine-Saint-Denis, pour l’Observatoire de la décentralisation
Rapport n° 262 (2007-2008)
L’Observatoire de la décentralisation du Sénat, présidé par M. Jean Puech, a confié à M. Philippe Dallier, Sénateur de Seine-Saint-Denis, un rapport sur l’avenir institutionnel du Grand Paris. Les conclusions de ce rapport ont été adoptées par l’Observatoire le 8 avril 2008.
L’objectif :
L’objectif du rapport est triple :
– dresser un état des lieux de la gouvernance de l’Île-de-France en recensant les difficultés pour chacune des politiques publiques et, notamment, les transports, le logement, le développement économique et la sécurité qui constituent les enjeux les plus immédiats ;
– présenter l’ensemble des scénarios envisageables pour l’avenir de l’agglomération,
« sans exclusive ni tabou » afin de permettre un choix objectif ;
– recommander un scénario assorti de propositions à la hauteur de l’ambition que s’est assignée le Président de la République lors de son discours de Roissy du 26 juin 2007.
Le déroulement de l’étude :
Afin de mener à bien l’étude, le rapporteur a :
– auditionné ou entendu une vingtaine de personnalités ;
– eu des échanges réguliers avec le Comité d’experts de l’Observatoire ;
– diffusé un questionnaire auprès des élus de la petite couronne ;
– ouvert un blog sur les pages du Sénat ;
– rencontré les autorités locales de Londres et de Berlin pour examiner leurs modes de gouvernance.
L’enjeu :
Si la région Île-de-France est, aujourd’hui encore, l’une des plus riches du monde, les milieux économiques la considèrent en perte de vitesse faute de dynamisme, de grands projets structurants, de lisibilité des
politiques d’aménagement du territoire et d’interlocuteur politique clairement identifiable.
L’enjeu du Grand Paris est aussi national, alors qu’un sentiment d’exclusion, tant économique que social, se développe chez beaucoup d’habitants des quartiers construits ex nihilo pour pallier la crise du logement de l’après-seconde guerre mondiale.
La région la plus riche de France et d’Europe est devenue un espace sans véritable cohésion urbaine et sociale, où cohabitent richesse économique et grande pauvreté.
L’efficacité relative des grandes politiques publiques, l’opacité et la complexité du système institutionnel, l’injustice des impôts locaux démontrent que la gouvernance en Île-de-France a besoin d’une véritable rupture.
Six principes pour réussir le Grand Paris :
Le projet de créer, avec le Grand Paris, une collectivité territoriale de plein exercice est de nature à susciter des interrogations, voire des craintes de la part de la province, de la région Île-de-France, de la grande couronne et des communes.
Pour cette raison, la création du Grand Paris doit respecter un certain nombre de principes constitutifs :
1. Le Grand Paris doit s’autofinancer ;
2. Le Grand Paris ne doit pas tourner le dos à la région et à la grande couronne ;
3. Le Grand Paris doit s’appuyer sur les communes ;
4. L’État doit jouer son rôle et assumer sa part des grands investissements d’intérêt national ;
5. Le Grand Paris doit être une collectivité aux responsabilités limitées ;
6. Le Grand Paris vise à assurer la cohésion urbaine et sociale de la région la plus riche.
Les 10 scénarios envisageables :
Quelles sont les différentes possibilités d’évolution institutionnelle du Grand Paris ? Le rapport constitue la première tentative de recensement de ces différents scénarios.
10 scénarios : du statu quo à la vraie rupture
– le statu quo : ne rien faire ou poursuivre les concertations ;
– la création d’un syndicat mixte ;
– la « marguerite » ou la multiplication des communautés d’agglomération ;
– la communauté d’agglomération avec Paris ;
– la communauté urbaine ;
– un Paris de plusieurs dizaines d’arrondissements, englobant la petite couronne et ses communes (scénario
« Haussmann II ») ;
– un Grand Paris se substituant aux quatre départements de la petite couronne ;
– un maire du Grand Paris et des arrondissements autonomes ;
– un redécoupage des frontières de la région pour en faire la métropole ;
– une fusion des régions et des départements d’Île-de-France.
Réduire le nombre de « couches » :
Le rapporteur distingue entre les scénarios « intenables », fondés sur le statu quo, les scénarios « inacceptables », fondés sur l’ajout d’une couche supplémentaire, et les scénarios fondés sur la réduction du
nombre de « couches ».
Tout d’abord, le rapporteur estime que le scénario de l’annexion par la ville de Paris des communes avoisinantes est le plus contesté et le plus contestable du fait de la forte identité des communes de banlieue.
Si le redécoupage des frontières régionales apparaît utopique, la fusion de la région Île-de-France avec les départements qui la composent est simple mais improbable.
En revanche, la substitution aux quatre départements de la petite couronne d’une nouvelle collectivité dotée d’un statut sui generis est le scénario que le rapporteur estime le plus efficace et le plus pragmatique.
Un traitement institutionnel particulier paraît, en effet, s’imposer pour l’agglomération parisienne, atypique tant par sa taille, sa diversité, que par le fait qu’elle constitue le moteur de l’économie
nationale.
L’existence d’un chef de file, d’un « pilote dans l’avion » est, en outre, nécessaire pour porter un projet structurant. Le plaidoyer pour la reconnaissance d’une spécificité institutionnelle du Grand Paris répond également au souhait du Constituant qui a, depuis 2003, favorisé la diversité institutionnelle locale.
Cette collectivité pourrait, dans un premier temps, conserver le statut de conseil général, aux compétences inchangées.
Son budget résulterait de la consolidation des budgets des conseils généraux de la petite couronne (5,47 milliards d’euros en 2005). Cette nouvelle collectivité aurait les moyens d’établir une stratégie globale au niveau de l’agglomération.
Les avantages que représenterait la création de cette structure sui generis seraient une forte péréquation et la réorientation des crédits affectés aux dépenses non obligatoires (soit 830 millions d’euros en 2005) sur les priorités du Grand Paris.
Dans un second temps, ce nouveau conseil général aurait vocation à devenir une collectivité territoriale sui generis dotée de compétences limitées à quelques grandes thématiques (transports, logement, développement économique, social, sécurité) et ne disposant donc pas de la clause de compétence générale.
Cette collectivité serait dotée d’un budget et de ressources propres ; son Président serait élu au suffrage universel direct et son conseil serait composé de 120 membres élus au suffrage universel au scrutin majoritaire.
Le rapporteur n’écarte pas pour autant le scénario de la création d’un « maire du Grand Paris » avec maintien des communes et émancipation des arrondissements. Ce scénario (dit « Morizet » du nom de l’ancien sénateur-maire de Boulogne-Billancourt) aurait pour avantage d’éviter le choc de légitimités, tout en
favorisant la démocratie locale. Il pourrait constituer, dans le futur, l’ultime aboutissement du scénario précédent.
Les propositions du rapport :
1/ Créer en deux étapes un Grand Paris à travers la fusion des départements de la Petite couronne
a) 1ère étape : dès 2010, loi portant fusion des départements de la petite couronne (75,92, 93, 94)
b) 2ème étape : en 2011, nouvelle loi créant une collectivité territoriale au statut sui generis et redistribuant les compétences
2/ Des compétences bien identifiées et pas de clause de compétence générale
3/ Un Président du Grand Paris désigné au suffrage universel direct
4/ Des communes confortées dans leur rôle d’échelon de proximité
5/ Création d’un « Plan du Grand Paris » pour organiser les transports et contribuer à la construction de logements
6/ Instaurer des « opérations d’intérêt métropolitain » (OIM)
7/ Création d’une agence foncière du Grand Paris
8/ Permettre au Grand Paris de devenir un acteur de la politique de la ville
9/ Réaffirmer la compétence de la région en matière de transports
10/ Étendre les compétences du STIF à l’ensemble des modes de déplacements
11/ Représentation du Grand Paris au sein du STIF en lieu et place des départements
12/ Introduire de la souplesse dans la politique des transports
13/ Désignation du Président de la RATP conjointement par le gouvernement et le Grand Paris
14/ Lancer le projet « Métrophérique »
15/ Réduction du nombre de zones tarifaires pour les transports publics
16/ Donner au Grand Paris les moyens d’exercer ses missions
17/ Taxation des plus-values liées à l’augmentation de la rente foncière
18/ Supprimer les EPCI à fiscalité propre dans le périmètre du Grand Paris
19/ Préservation des grands syndicats thématiques intercommunaux ou intégration dans le Grand Paris avec
pragmatisme
20/ Création d’une agence consacrée au développement économique du Grand Paris
21/ Élaboration d’un Plan de développement économique du Grand Paris
22/ Instauration d’un contrat de projet Grand Paris/région/État
23/ Lancement de grands projets architecturaux structurants
24/ Faire du Grand Paris le garant de l’accès numérique à haut débit sur l’ensemble de son territoire
25/ Réforme puis intégration de l’EPAD au sein du Grand Paris
26/ Extension des pouvoirs du préfet de police au Grand Paris
27/ Création d’une « police métropolitaine»
28/ Confier au Grand Paris l’organisation et la gestion du stationnement payant
29/ Mise en place d’une Académie et d’un Rectorat du Grand Paris
30/ Transfert de la construction et de l’entretien des collèges à la région
synthèse du rapport :
synthese-rapport-philippe-dallier-8-avril-2008
rapport complet :
rapport-dinformation-complet-philippe-dallier-8-avril-2008
Philipe Dallier