Veillée d’armes avant la bataille du Grand Paris
Sibylle Vincendon. © Libération tout droit réservés
La question du Grand Paris fut longtemps tranquille, mais c’est fini. Depuis la nomination de Christian Blanc au secrétariat d’Etat au Développement de la région capitale, chacun fourbit ses armes. Car une bataille s’engage. De pouvoir, bien sûr. Y aura-t-il un poste de roi du Grand Paris à conquérir ? Pour le deviner, il faudrait connaître la feuille de route de Christian Blanc. On ne l’a pas encore. Le cabinet n’est pas constitué, la mission inconnue et on ne peut que supputer sur le rattachement de ce secrétariat d’Etat au ministère de l’Equipement et du Développement durable et non pas à celui de l’Intérieur. Est-ce le signe que la création d’une nouvelle collectivité locale de plein exercice, avec redistribution fiscale, est abandonnée ? Qu’on ne procédera qu’à des aménagements ponctuels, sur les transports ou le logement par exemple ? Faute de le savoir, les forces en présence préparent leurs munitions.
Franc-tireur. En position défensive, Jean-Paul Huchon, président (PS) du conseil régional d’Ile-de-France, ne veut pas entendre parler d’un Grand Paris, possible collectivité concurrente de la région. Il le dit depuis des mois. Il a même eu l’occasion de le répéter hier directement à Christian Blanc, qu’il a eu au téléphone pour « lui expliquer les complexités et les acteurs du dossier », dixit l’AFP. Il a préparé une grosse cartouche, le rapport de la commission Planchou sur les « scenarios pour la métropole Paris Ile-de-France de demain ». Ce rapport, que Libération s’est procuré (lire ci-contre), peut se résumer à une idée-force : tout sauf un Grand Paris. Aucune des pistes qui y sont évoquées ne permet de créer une intercommunalité élargie autour de la capitale.
Philippe Dallier, sénateur (UMP) de Seine-Saint-Denis qui a été auditionné par la commission Planchou, dit en riant de ce travail que « c’est le rapport « Comment sauver le système » ». Il faut dire que lui, Dallier, ne le sauve guère, le système. Rapporteur sur le Grand Paris pour l’Observatoire de la décentralisation, il présentera le 9 avril son propre texte dont il ne cache pas les décoiffantes conclusions : fusionner le département de Paris et les trois de la première couronne pour créer une nouvelle collectivité. Franc-tireur de la droite, il est peu suivi dans son camp sur ces positions qui dissolvent le fief UMP des riches Hauts-de-Seine dans ce remake du département de la Seine, ancienne manière.
Soldat. Peut-être est-ce pour cela qu’il ne figure pas dans la liste des personnalités UMP et centristes que Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement, réunira le 2 avril à déjeuner pour « aborder les grands enjeux de la région capitale ». Sept ministres figurent dans la liste, dont Christian Blanc, qui n’est pourtant pas la puissance invitante. Que vient faire le soldat Karoutchi dans le champ de tir ? Président du groupe UMP à la région, il était donné comme un des titulaires possibles du nouveau secrétariat d’Etat. Il ne cache pas ses ambitions régionales et a en commun avec Huchon de préconiser un système de syndicats thématiques mixtes assez éloigné d’une collectivité. Et le maire de Paris ? Premier installé sur le terrain, Bertrand Delanoë a répété dès son premier discours de nouveau maire, qu’il voulait « une véritable institution de l’agglomération », avec une solidarité « y compris fiscale ». Et la région « bien entendu au coeur du processus ». Pour le moment, aucune balle perdue.
- Sibylle Vincendon