Le Grand Paris, question capitale
SERAFINI Tonino,VINCENDON Sibylle © Libération
Les hostilités ont démarré. Et c’est du sérieux. La question du Grand Paris, portée avec prudence par l’équipe de Bertrand Delanoë pendant des années, est devenue explosive depuis que Nicolas Sarkozy s’en est emparé. Roger Karoutchi, chef de file de l’UMP au conseil régional d’Ile-de-France, dit poliment que « dès le lendemain des municipales », le dossier « sera le sujet numéro 1 de l’aménagement du territoire ». Mais le mot est faible. Car même si Karoutchi évoque « six mois pour mener une concertation entre l’Etat, les communes, les départements et le conseil régional », c’est bien plutôt une baston dans les règles qui va s’engager, tant les enjeux sont lourds.
Et c’est dur pour tout le monde. Surtout pour Françoise de Panafieu, candidate UMP à la mairie de Paris. Elle a été victime d’une mauvaise manière du Président lorsque celui-cia évoqué le Grand Paris comme une question à traiter avec Bertrand Delanoë, considéré comme réélu d’avance. Sarkozy avait déjà demandé l’organisation d’une consultation internationale d’architectes sur « la métropole du XXIe siècle de l’après-Kyoto ». Le ministère de la Culture s’en est chargé et dix équipes seront choisies dont cinq françaises. Le tout, bien loin de la pauvre Panafieu.
Mais sans Paris non plus. Le chef de l’Etat convie la fine fleur de l’architecture au-dessus de la tête de tous les élus locaux, sans qu’on sache trop à quoi le résultat servira. Mais on s’en doute :arriver à l’automne avec des idées. Car à cette période, le gouvernement réunira un Ciadt (comité interministériel de l’aménagement du territoire) consacré à la région parisienne. Au menu : quelle structure créer ?
La communauté d’agglomérations modèle courant ne convient pas pour ce cas hors norme. Il faudra sans doute en passer par la loi pour élaborer une nouveauté juridique. Et fixer gouvernance et financement. Pierre Mansat, adjoint (PCF) de Bertrand Delanoë, rappelle que « dans les quatre départements de la première couronne 50 % de la taxe professionnelle est encaissée par Paris et les Hauts-de-Seine, qui représentent 35 % de la population ». Il va falloir répartir autrement le magot.
Lâcher des sous pour les autres n’a pas été la pratique de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était président des riches Hauts-de-Seine. Bertrand Delanoë le souligne à tout va, et insiste sur les sommes que la Ville de Paris est prête à consacrer au projet de rocade de métro de première couronne, qui ne passera pas sur le territoire parisien.
Mais la carte majeure du maire de Paris, c’est son ancienneté sur la question. Dès 2001, la capitale a renoué le dialogue avec les villes voisines, tandis que Pierre Mansat, chargé de ce dossier, élaborait la conférence métropolitaine. Depuis 2006, plusieurs réunions ont eu lieu, ostensiblement boudées par la plupart des élus UMP. Cela ne les arrange pas aujourd’hui : comment plaider son intérêt pour la métropole quand on a boycotté le seul lieu où on en parlait ?
Lucide, Roger Karoutchi a fait un récent virage sur l’aile en expliquant que les élus de droite pourraient fréquenter désormais une conférence métropolitaine dans laquelle Paris pèserait moins. Comment ? Mystère. Puis, avec Françoise de Panafieu, ils ont tenté de reprendre la main, en proposant lundi dernier « un syndicat mixte ouvert » entièrement fondé sur la bonne volonté : ne viendraient que les communes qui le veulent, pour les projets qu’elles souhaitent, dans les financements qu’elles fixeraient librement.
Les élus UMP annoncent un colloque sur le Grand Paris le 28 février. Pendant ce temps-là, la Conférence métropolitaine tiendra des Assises de l’agglomération, manière pour la gauche parisienne de garder la longueur d’avance qu’elle a côté réflexion.
Reste le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon (PS). La structure de métropole pourrait-elle se faire aux dépens de la région? Lui s’inquiète en particulier des velléités de créer une autorité des transports dédiée seulement au centre de l’agglomération. Que deviendrait alors le Syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif) qu’il préside? « Pas touche aux instruments qui marchent », résume son entourage. Par ailleurs, Huchon continue à plaider pour un « polycentrisme ». Une organisation autour de plusieurs grands pôles. En clair, l’inverse exact d’un Grand Paris.
- SERAFINI Tonino,VINCENDON Sibylle