Un spectre large, peu de concret
RAULIN Nathalie,GREMILLET Muriel,COROLLER Catherine,BINET Stéphanie,LAUNAY Guillaume,SERAFINI Tonino,SOULE Véronique,FAVEREAU Eric,PERRIN Jean-Pierre © Libération
Tour d’horizon des thèmes abordés : peu d’avancées et quelques règlements de comptes.
De la Constitution à la croissance, en passant par l’environnement, Nicolas Sarkozy a évoqué hier, de nombreux thèmes. Décryptage des principaux dossiers abordés.
ConstitutionUne mission pour Simone Veil
Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir profiter de la réforme des institutions en gestation pour revisiter le préambule de la Constitution de 1958. A sa demande, Simone Veil a accepté de présider une commission qui sera chargée de compléter le texte sur trois points : l’égalité entre hommes et femmes, « le respect de la diversité », les moyens de rendre possible les politiques d’intégration et les règles pour répondre au « défi de la bioéthique ». SOS Racisme s’est aussitôt inquiété de la logique sous jacente de « discrimination positive basée sur la référence ethnique ». Et a redouté que « l’intention apparemment louable » n’aboutisse à une « tendance à la communautarisation de notre société ».
économie De nouveaux indicateurs
« Il faut changer notre instrument de mesure de la croissance », a assuré le Président. Un discours pas très neuf dans sa bouche. Il a toujours fustigé un écart entre la perception de la réalité par les Français qui « n’en peuvent plus de l’écart grandissant entre les statistiques qui affichent un progrès continu et les difficultés croissantes qu’ils éprouvent dans leur vie quotidienne. » Du coup, place à de nouveaux indices. Ce sont deux prix Nobel d’économie, l’Américain Joseph Stiglitz et l’Indien Amartya Sen, qui vont plancher sur le dossier.
Deux jolies prises de guerre : Stiglitz, chef économiste de la Maison lanche sous Bill Clinton a préféré démissionner de son poste à la Banque mondiale en 1999, plutôt que de se taire. A l’époque il avait critiqué la privatisation de la protection sociale vantée par son institution et avait fortement attaqué la politique menée par le FMI. Stiglitz a reçu le Nobel en 2001. Sen a, lui, participé à la création des indices du développement humain pour l’ONU et a été nobélisé en 1998 pour des travaux sur les inégalités.
Ces deux têtes pensantes vont devoir intégrer le bonheur dans les indicateurs économiques. Une tendance qui touche toutes les institutions qui mesurent l’évolution de la croissance. Même l’OCDE, reconnaît que le PIB ne peut donner la mesure du progrès d’une nation. Dans les classements, la perception du bonheur national est généralement assez éloignée des performances économiques. Dans certaines études, le Bhoutan, est au 8e rang devant les Etats-Unis ou la France.
IMMIGRATION Vers davantage de quotas
Perplexité du côté des associations, silence radio du côté du ministère de l’Immigration. La « politique des quotas » réclamée par Nicolas Sarkozy suscite plus de questions que de réponses. « Tout le monde sait que c’est la seule solution », a-t-il déclaré, ajoutant : « Je souhaite que chaque année devant le Parlement, on puisse débattre de la politique d’immigration de l’année prochaine : combien de personnes nous avons accueilli, combien de personnes nous voulons accueillir ? » Réaction de France Terre d’Asile: « S’agit-il de limiter le nombre de conjoints non européens qui ont eu la malencontre use idée d’épouser un Français ? De limiter le regroupement familial ? » « Est-ce qu’il veut parler de quotas par métiers ? Par nationalités ? », questionne aussi Nathalie Ferré, présidente du Gisti. Cette dernière notion a été retoquée deux fois par le Conseil constitutionnel car contraire au principe d’égalité entre Français et étrangers.
L’autre annonce du chef de l’Etat sur la création d’une « juridiction qui s’occupe du droit des étrangers », contre deux aujourd’hui (judiciaire et administrative), suscite l’incompréhension. Aujourd’hui, le juge administratif apprécie la légalité des décisions prises par les préfectures à l’encontre des étrangers en situation irrégulière , le juge judiciaire statuant sur leur placement en rétention. « Demander au juge judiciaire d’apprécier la validité d’un acte administratif est une atteinte directe à la séparation des pouvoirs », affirme Nathalie Ferré. Ces deux réformes, selon elle, nécessiteraient une révision de la Constitution.
banlieueUn plan de plus en plus flou
Le plan Marshall des banlieues devait être une priorité du début de mandat de Sarkozy. Mais surprise, alors que depuis des mois Fadela Amara, la secrétaire d’Etat à la Ville, annonce qu’elle remettra sa copie le 22 janvier en présence du Président, ce dernier évoque vaguement une date, « début février », et qu’il se rendra « en banlieue avec Fadela à Vaulx-en-Velin ou ailleurs » . Alors difficulté à faire coïncider l’agenda de Sarkozy ou recul devant la remise de ce plan « extrêmement ambitieux » ?
A l’Elysée, on assure que c’est Fadela Amara qui a donné la date du 22 janvier sous-entendant « pas nous ». A son secrétariat, on essaie « d’éclaircir ce couac » et à Vaulx-en-Velin dont les émeutes en 1990 avaient entraîné la création d’un ministère de la Ville, le maire, Maurice Charrier (PCF) fulmine et demande « qu’une position claire soit arrêtée ».
environnement Un pas vers José Bové ?
Ce fut bref mais solennel : « Le Grenelle sera respecté scrupuleusement : il en va de la crédibilité de l’Etat », a souligné Sarkozy. Avant d’assurer, concernant les OGM du moment, qu’il était prêt à « recourir à la clause de sauvegarde » si le comité de préfiguration de la Haute autorité, qui se réunit aujourd’hui, soulève des « doutes sérieux sur les OGM actuellement cultivés ». Un pas vers la mise en place de la clause réclamée par les faucheurs volontaires, en grève de la faim depuis jeudi autour de José Bové (lire aussi page 21) ? « Le Président a sans doute fait une analyse bénéfice-risque politique, souligne un député PS. Il s’appuie sur les enquêtes d’opinion, hostiles aux OGM, et il sait que les municipales approchent. »
Grand parisUne charge contre Delanoë
Avant même d’engager un semblant de dialogue sur la création d’un Grand Paris, Nicolas Sarkozy s’est fait menaçant. « Je ne laisserai pas ce projet s’enliser, je ne laisserai personne le bloquer ». Problème : jusqu’ici, l’Etat n’a pas entrepris la moindre concertation avec les élus franciliens, alors que le chef de l’Etat avait avancé dès juin l’idée de créer une communauté d’agglomération au coeur de l’Ile-de-France. « Depuis les premières annonces du chef de l’Etat [.] aucune initiative, aucun contact », a taclé le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë.
Sur un sujet qui nécessite un minimum de consensus, Sarkozy s’est livré à une charge contre Delanoë et le président (PS) du conseil régional Jean-Paul Huchon. En creux il les a rendus responsables de la « situation de l’agglomération parisienne [.] devenue inacceptable ». Effectivement en l’absence d’une structure intercommunale regroupant Paris et une centaine de communes alentours, des sujets tels que le logement ou les transports ne sont pas traités à une échelle territoriale pertinente. Sauf que le gouvernement est responsable de cet état de fait, puisque la création d’un Grand Paris nécessite le vote d’une loi. Depuis 2001, la mairie de Paris a renoué des relations avec les villes de banlieue puis créé une Conférence métropolitaine en 2006 pour tenter de faire émerger le débat sur un Grand Paris. Mais cette conférence a été boycottée par la plupart des élus UMP.
universités Dix projets de rénovation
Nicolas Sarkozy a beaucoup délayé hier sur l’école. Concrètement, il a annoncé que dix « grands projets de rénovation universitaire seront sélectionnés » dès cette année. Dénonçant le « délabrement » de l’université, il a estimé que les étudiants devaient avoir des lieux « où l’on a envie et où on a les moyens » de travailler. Mais il n’a rien dit de la question cruciale du logement. La Fage, l’une des principales organisations étudiantes, redoutait qu’en se focalisant sur dix grands projets, les petites universités soient oubliées. Mais c’est à l’école que « la politique de civilisation » s’exprimera le mieux. Le Président, qui a déjà exposé sa vision dans sa « Lettre aux éducateurs », a repris les grands thèmes : une école où l’on inculque « la curiosité intellectuelle, le sens de l’effort, le respect de l’autorité et la politesse, le civisme ».
HôpitalCinquième réforme en quinze ans
Une nouvelle loi sur l’hôpital verra le jour en 2008, a annoncé Nicolas Sarkozy. Les raisons ? « L’hôpital est en déshérence et les 35 heures lui ont porté le coup de grâce. On va en 2008 changer la gouvernance de l’hôpital de fond en comble parce que l’hôpital n’est plus gouverné, parce que dans l’hôpital aujourd’hui chacun a suffisamment de pouvoirs pour dire non et personne n’a du pouvoir pour dire oui. » Ce sera la cinquième loi en quinze ans. La dernière, lancée par Jean François Matteï, puis mise en musique par Xavier Bertrand, n’est toujours pas complètement appliquée. A l’image de la CGT, les réactions sont très négatives : « Cette nouvelle réforme, c’est vraiment tout et n’importe quoi, les hospitaliers sont fatigués d’appliquer sans cesse des réformes qui ne sont même pas menées jusqu’à leur terme. »
politique étrangère Du G8 au G 13, « par le bon sens »
Le chef de l’Etat a renouvelé deux de ses engagements. La France « se fera l’avocate » de l’Allemagne, du Japon, du Brésil, de l’Inde et d’un pays africain pour qu’ils deviennent membres permanents du Conseil de sécurité : « On ne peut pas considérer qu’on va régler les grandes questions de la planète sans demander leur avis à un seul pays africain : un milliard d’habitants, à un seul pays sud-américain : un milliard d’habitants. » Concernant son projet de transformer « le G8 en G13 », il a indiqué penser y arriver « en faisant appel au bon sens, en trouvant des alliés ».
- RAULIN Nathalie,GREMILLET Muriel,COROLLER Catherine,BINET Stéphanie,LAUNAY Guillaume,SERAFINI Tonino,SOULE Véronique,FAVEREAU Eric,PERRIN Jean-Pierre
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