Une chance pour Paris

Daniel Béhar,©Extramuros nº 1, Octobre 2001
(Edité par la Mairie de Paris chaque trimestre, Extramuros est un outil de dialogue et d’information destiné à tous les acteurs franciliens de la coopération métropolitain)

Cent ans de solitude

Dans cette période de transformation radicale de la gestion politique des agglomérations françaises, Paris dispose paradoxalement d’une chance unique: n’ayant pas assuré, tout au long de l’expansion urbaine, le leadership politique de son agglomération, elle est en mesure aujourd’hui de formuler une offre politique inédite aux autres institutions territoriales d’Ile-de-France.
L’actualité le montre quotidiennement : de Montpellier à Nice en passant par Toulouse, la montée en puissance des agglomérations subit le contrecoup de trente ans de débat politique local organisé exclusivement autour du rapport centre/périphérie et de la suprématie du premier sur la seconde.

Or, la réalité des agglomérations françaises a profondément changé.

La “centralité périphérique”, une réalité actuelle

Aujourd’hui, les “centralités périphériques” se multiplient; les spécialisations sociales et fonctionnelles ne distinguent plus seulement les couronnes successives d’urbanisation mais des grands “quadrants” ou cônes radiaux.
Une métropolisation signifie – pour faire vite – le passage d’une structure hiérarchisée à une organisation systématique faite d’interdépendances et de spécialisations toujours plus complexes.
Or, en regard de cette nouvelle donne, le débat politique local demeure, la plupart du temps, englué dans cette représentation dépassée d’une ville-centre et de sa banlieue, de relations entre un centre et sa périphérie.

Ignorant superbement sa périphérie, Paris a été durablement le “lieu vide” de la gestion politique de l’Ile-de-France. Si Paris a évidemment largement influé sur le mode de développement de sa région, l’institution politique parisienne n’a, pour autant, jamais organisé le débat politique local.

Elle peut donc d’autant mieux s’affranchir du cadre hiérarchique des relations centre/périphérie qu’elle l’a produit sur le plan fonctionnel mais ni piloté et encore moins imposé sur le plan politique.

L’ère de la métropolisation, un nouveau regard politique de la territorialité

L’erreur consisterait alors, sous le prétexte légitime de réparation envers la “banlieue”, d’instaurer maintenant ce dialogue politique bilatéral entre la ville-centre et sa périphérie qui n’a jamais eu lieu, mais ferait fi du changement de visage de l’Ile-de-France, de sa métropolisation.
Paris n’est plus la ville-centre, face à une banlieue dépendante ; elle n’est pas seulement la principale commune de la première couronne ; elle est la centralité majeure d’un système de plus en plus polycentrique qui voit se développer en son sein des polarités urbaines multiples (centres tels Saint-Denis ou Créteil, villes nouvelles ou nodalités inédites comme les centres commerciaux, multiplexes…) et des pôles économiques divers (de Roissy au secteur Massy-Saclay, en passant par la Plaine-Saint-Denis ou les Hauts-de-Seine).

Comment concevoir une offre politique inédite, à la hauteur de cette nouvelle donne? Tel est l’enjeu. En Ile-de-France, comme partout ailleurs sur le territoire national, la régulation politique centrale est en profonde mutation. La montée en puissance de l’intercommunalité exprime moins un changement d’échelle, qu’un changement de fonction, du technique (l’intercommunalité syndicale) au politique (l’intercommunalité de projet). Plus généralement, c’est toute la répartition des rôles entre institutions et niveaux territoriaux qui bascule et implique une redistribution des fonctions politiques.

Paris saisira-t-il cette occasion de démontrer qu’il ne s’agit pas, pour la région capitale, de rattraper son retard sur les autres agglomérations françaises mais de jeter les bases d’une gouvernance territoriale inédite, adaptée à l’ère de la métropolisation?

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